Francine Laugier - CONFIDENCES


CONFIDENCES

Corps fourbu, éreinté par la souffrance. Plein, trop plein : la gamelle. Cœur brisé. J’aime, je déteste. Le vent s’est tu, comme une machine infernale qui s’arrête. Je prie pour être entendue. Je n’ai plus peur, mon compagnon dort et dans ma solitude je pense à la bravoure.


En voyant la sortie du tunnel on aimerait courir. La fatigue accumulée, la peur de faire un faux pas font marcher avec précaution. Comme on aimerait enjamber ces derniers mètres. Alors la patience et l’endurance sont nécessaires.


L’unicité de l’humain, qui est l’âme et l’esprit liés, apporte une très grande sérénité. Tout notre savoir, toutes nos civilisations qui tombent parfois et reviennent ailleurs, prouvent l’importance de cette unicité. Descartes avait raison : on atteint la certitude. L’esprit du mal peut flotter, qu’importe alors, nous avançons. La machine-outil sert l’humain mais n’est qu’une prothèse. Nous allons plus vite que nos objets. Et si je doute encore, que très vite ressurgissent mes expériences. Pendant des années, dans ma solitude j’ai cogité. Notre volonté est nécessaire, bien des sages le disent. Nous avons tant et si peu de techniques. Nous mesurons, c’est tout. C’est tout.


« Merci à la haine. Elle m’a ramenée à moi. Elle m’ouvre des horizons, qui me font tenir à mes objectifs. Prendre, prendre ce qu’on a toujours voulu me faire oublier ». Maintenant je connais d’autres éclats, que moi seule enjambe. À l’aide de mes mains je tracerai, je ferai signe, peut-être deviendrai-je trace, moi qui aime si peu nourrir. Je n’oublierai jamais. Seule je remonte la pente de ce qui est moi. Ce que je découvre dans ma pratique est la suite d’événements, et a la saveur d’un peintre qui se dessine.


Je ne suis plus sensible, je suis devenue émotive. Je pense maintenant aller vers les autres, armée de ma signature.

L’esprit malsain envahit les mesquins. Même ceux que j’aime sont souvent vulgaires. Il y a la terre douce ou révoltée, que l’on laisse insensible, qui donne guerre, contradiction. Il s’agissait d’amour, il s’agissait de paradis terrestre. Je n’ai trouvé qu’enfer. Les limites de l’humain sont qu’il se laisse embarquer trop loin ou qu’il s’arrête en route.


Harmonie du tout. Plus rien ne m’attend. J’attends beaucoup. Le sourire amer de la mouette me laisse vide. Quel mal être ! C’est une trace de guerre et la guerre prend fin. La vie qui s’accroche, pour comprendre, pour une plus grande compréhension. Chacun cherche à adhérer, rare sont ceux qui suivent leurs propres aventures avec plaisir et étonnement, cartographiant la certitude.


La fraîcheur de la journée rend les aiguilles du cèdre vives, ce qui me décide à sortir. Je sais que je vais marcher vite, flânant par instants, pour continuer la discussion avec Jean-Pierre, et regarder autour de moi. Nous arrêter chez le peintre ? Pourquoi ne pas faire un crochet jusqu’à son atelier. Couleur verte ? Pinceau à la main il me fait penser à un félin à l’orée d’une ville. Coups de pinceau, coups de plume, comme il donne au regard de l’endurance. Couleur verte ? Je suis du regard. Touche après touche, je saisis l’image.


Le sourire, le rire, mais jamais le cri. Deux hommes marchent dans la neige. Tout est si lointain. Ma peur évanouie, ce deuil en moi de l’oubli. Je n’ai encore rien à perdre, on ne m’a rien donné. Nul ne sait, car tout se tait, seuls les oiseaux parfois parlent aux morts. Plus rien ne vient à ma mémoire qui peut assouvir mon âme. Je ne prie plus quand je tombe dans un silence intérieur, j’écoute le murmure des pauvres gens pour ne plus voir l’heure à l’horloge.


Les mouettes avec leurs pieds palmés sont des animaux de mer, et d’air avec leurs si belles ailes. Il y en a de différentes espèces à Marseille. Ce sont des animaux qui ont de merveilleux cris ; tantôt ressemblant à celui d’un enfant, tantôt d’une chatte, tantôt à un cri, leur cri. Elles se montrent surtout à l’aurore ou en fin d’après-midi. Elles s’élancent, elles planent, elles piquent. Les mouettes font salon sur l’eau quand elles s’y posent. Elles savent pêcher mais aiment bien que les marins leur jettent des poissons. Personnellement elles me calment, elles me montrent la perspective. Les mouettes sont émouvantes elles savent si bien cohabiter avec l’humain. Elles qui vivent au bord de mer, elles aiment le large.


Si peu de hasards, presque tous portes fermées. Je n’ai plus les signes pour dire bonjour, tous ont été trahis. Jaunâtre est leur couleur symbolique, si loin de l’or pur. Comme un soleil, la lumière électrique m’aide à m’y retrouver la nuit. En suintant dans mon petit lit, une chair de poule, berçant ma folie. Amassés en foule, moi, seule, je prie.


Je suis le rêve qui traverse tout le ciel et toutes les frontières. Je suis la jeunesse qui traverse le siècle. Je chante des chansons et l’Aurore. Histoire mêlée, comme chats et chiens nous sommes frères et sœurs. Puis doucement nous sommes nous. Parfois la génération se demande « où allons-nous ? ». Tourbillons de la vie qui se calme en creusant le poème de l’adolescent. La fidèle amitié de tous les jours de la semaine, où l’on sent à nouveau les chemins serpentant le pays.


Chacun voit son âme, le jour de sa lumière.

Il fait déjà sombre, si tôt, dans ma petite maison.

Les bras grands ouverts, j’attends mon amour.

Éclair, plus tard tonnerre, pleut-il dans le ciel ?

Je ne vendrai mon âme pour rien, même pas pour toi.

Bien des choses, que j’ai dites naïvement.

Âme, esprit et corps, voici mon ordre.

Ça pleure en moi, je laisse pleurer.

Éclair, notre téléphone saute. Qu’est-ce ?


Les trous noirs c’est le temps. Le temps qui déboussole les mathématiques. L’étoile fixe ce sont les galaxies, d’où la grandeur du système solaire.

J’aime tomber dans le mouvement car on tombe à la renverse. Quand je tombe je ne sens pas mon poids, je sens le poids des objets.

Les angles servent pour la rondeur. La courbure vient après l’espace.

Trouver sa place, grandeur du système solaire.


J’ai envie de hurler un « ouf ! ». La vie est si prenante par moment. Le couperet du bien tombe sur autrui, comme une cascade de ces bulles multicolores que fait le savon passé sous l’eau. Je trace toujours l’arrondi du lavabo, comme pour m’assurer de mon bien-être. « Je vous souhaite d’être terriblement aimé ». Posée à votre cou une écharpe de couleurs tendre pour porter l’hiver au chaud. Faire peau-neuve à mes bijoux. Bien m’installer et lire un livre de nouvelles berbères offert par un ami, pour me rappeler qu’un chameau à deux bosses.


L’infiniment petit me donne plus le vertige que l’infiniment grand. Une table que l’on voit au microscope, et disparaît la table. Si jamais l’infiniment grand donne le vertige on peut toujours se raccrocher à la Terre. Les planètes et leurs mouvements, c’est du concret. D’après les Aborigènes d’Australie les pierres auraient un cœur. L’écriture est du symbolisme et la fleur se tourne vers le soleil. Avant d’écrire cela je pensais que l’étude du vivant était du symbolisme.


J’aime la texture du cuivre, j’aime le cirer. Georgia aimait, en faisant reluire ses cuivres, les tous petits poids d’une balance, qui lui salissent les mains. La cire salie par le cuivre lui entrait sous les ongles. Comme avec des gestes ancestraux elle faisait luire ses instruments de pesée. Je me tenais au calme, à côté d’elle, à bavarder. Elle n’était pas comme dans le livre la Mère de Pearl Buck, elle défendait avec force ses objets, ses livres, son domaine, avec férocité. C’est vraiment la seule amie que j’ai admirée pour cela, pour cette féminité fine et robuste.


Je préfère l’or au platine, c’est plus simple à travailler pour les si beaux bijoux. Ce soir la lune est presque pleine, avec détermination je l’ai regardée. Avancer sur son chemin n’est pas toujours aisé, mais combien seront joyeuses les décennies de paix. Je n’ai pas besoin d’eau-de-vie, une bonne bière ferait l’affaire. Pour anéantir le diable il faut bien inventer des jeux qui nous fassent tenir. Jouer à la marelle, jouer au bridge. « Interdit de penser à tous ses soucis. » Tenir jusqu’à la plus haute définition de l’humanité.


Le meilleur du mieux c’est ce souffle en moi qui garde une longueur d’avance sur l’ennui. Coups d’épée dans l’eau. Rouillée, comment vais-je me protéger ? Butiner, tout dire à la va-vite. Ce qui me presse c’est surtout l’attrait de la joie partagée. Nerfs en pelote, je jongle avec du papier à écrire, froissé en pelote. Force de caractère qui me garde intacte. Pas heureuse celle qui a eu l’occasion de tout perdre ; avant, goût d’horreur dans les mille visages. Mon sourire placé, un rien dans ma solitude.


Des années ont passé, je ne suis plus naïve. La guerre est un jeu atroce, où tout un peuple se laisse entraîner. C’est aussi, sinon plus, épuisant que la folie. Jamais aussi près et aussi loin les uns des autres. L’humain aimerait tenir droit. L’humain tient droit. Moi, étendue sur mon lit, j’ai l’impression de reprendre mes esprits. Tout passe doucement le chemin. Même la souffrance. Même la page qui se tourne. C’est un dégradé, le présent vers le futur. Terre, Terre garde-moi encore en ton sein. Que j’y vive heureuse, pleine de gaîté et de créativité. Que je devienne très bonne, et si je le peux, sage.


Je n’ai pas eu peur de porter ma chemise de bure, de l’enlever et d’être toujours moi. Hier, lugubre soirée où je baissai les bras. Pourtant le ciel était magnifique, ciel bleu-mer, nuit. Sans lune pourtant, ni étoile. Des touches de brume par endroit. Je suis souple, la terre a tant de secrets qui se dévoilent au fil du temps, dans la liberté, et dans le touffu d’un jardin romantique. De l’edelweiss je passe à l’œillet. Sans transition je passe du coq à l’âne.


Ma paresse j’y mordrai dedans.

Le doute comme une ombre qui passe, plutôt un écran de fumée de cigarette. La rose frémit parfois sur sa tige solide et souple. Peut-être coups de la vie, voilà ce qui nous fait vieillir.


Je cale. Je n’ai plus qu’à m’occuper de moi. Tant d’épines enlevées. Me voici une femme honnête (comme on dirait honnête-homme ?). L’isolement où je me trouve me rend vulnérable. « Rien de nouveau sous le soleil. » J’étais déjà seule, et Jean-Pierre ne s’occupait déjà pas tant de moi. Comme Malraux, je pense que « face au sombre on ne peut opposer que les générations ». Seule richesse de l’humain. L’échec est total. Coquille vide, le ciel trop immense, et l’humain ne s’organise que comme une machine qui fracasse l’humain.


L’oubli déchire le présent, laisse place à de nouvelles pensées. L’éveil tape à froid, pour mieux me faire sentir la direction. Rêve où l’aimé est sublimé. Jeunesse ! Ô jeunesse ! Désir du corps de l’autre, rêverie dans l’attente de l’autre. Me saisir au sein de la vie, vers toi mon amour. De même tout ce que je peux prendre et donner. L’attente du jour pour me délivrer de la nuit, pour me délivrer à jamais de mes ennemis. Trouver la paix pour prier, et l’espoir d’être un jour libérée.


J’ai le monde à ma portée : j’aime mon compagnon, les oiseaux me parlent et bientôt la délivrance. Avec cet immense espoir, de légèreté et de fraîcheur, sur le Pont du Gard. Mon esprit carnassier, qui a dévoré tant de problèmes sans les résoudre, oubliant jusqu’à mon nom. J’ai le monde à ma portée, la larme à mon œil, c’est mon frère le vent qui l’a posée, et les oiseaux passent. Mon esprit invente des scénarios et j’ai mille vies, mais c’est surtout l’espoir immense, m’éblouit le Pont du Gard. Si un jour je me souviens de mon nom comme identité, alors je saurai combien m’est chère cette fraîche légèreté.


Premier jour de printemps.

Tout dire ou tout taire ? Où sont passées les confidences ? Ennoblir l’humain ? Le rabaisser ?

Pleurer de honte.

La voie du juste milieu en Chine, entre abeille et tigre.

Pas besoin d’image, enlever le diable, mais savoir que le mal existe.

Loin du conformisme, rester ouvert.

Ce matin, de ma fenêtre, le paysage m’apparaît plus sauvage.

Désordonné et ordonné.

J’écoute les quatre saisons de Vivaldi.

La boîte de Pandore.

Combien la nature sait communiquer avec l’humain.

Entre humains, on s’entraide.


L’éthique et l’intelligence ? L’intelligence demande une éthique.

J’ai rêvé de grandes camaraderies en écrivant. C’était merveilleux.

Rien n’est clos, jamais. Toujours se remettre à s’assagir, comme pour rejoindre Dieu.

L’affolement, la peur pour l’autre. Je dois atteindre une stabilité. Il faut du sang froid pour s’aider et aider les autres.

Simplement deux hommes qui marchent dans la neige.


J’ai peur, peur de tout. Nous sommes obligés parfois de choisir, même entre amis. Nous sommes obligés parfois de choisir, même entre deux amis. Nous choisissons celui avec qui nous avons le plus confiance, avec qui nous avons passé le plus, de bons moments. Le choix est cruel mais est réel. Même les pleurs ne nous font pas changer de pensée. Nous avançons froidement sur le chemin de notre vie avec espoir d’un meilleur. L’espoir aide à vivre, roucoule comme des pigeons. Des fleurs peuvent me faire sentir la vie, alors l’amitié d’un autre humain est sacrée. Tant de fois j’ai appelé, sans réponse aucune. Aussi quand l’amitié frappe à ma porte j’y réponds avec un tel enthousiasme.


Je lance un grand souffle de soulagement. Camaraderie dans la rencontre, contrainte de liberté. Enfin des projets, aussi loin et présent, et toi mon amour je t’aime. La peine s’éloigne, laisse grise mine à l’échec, tourne la jeunesse. Robuste et souple, comme nous faisons partie de cette humanité. Le cou, l’épaule, les reins de l’homme, femmes aimez la Terre, cramponnez-vous comme un chamois sur la roche, aimez la Terre. Tout à peur de mourir, même notre chère planète. Femmes vos yeux savent regarder vos enfants, nos enfants. Humanité car l’homme et la femme s’aiment. Nous avons grimpé la douleur, nous voici forte à jamais.


Nous sommes un élément. Le temps, les objets le maîtrisent. L’humain maîtrise en plus l’espace. Nous mangeons de l’espace en marchant, en conduisant une voiture, en voyageant en avion. Quand le temps est-il descendu sur la terre ? En même temps que l’humain ? Le temps calme tout, objets et humain. Le jour, la nuit, qu’elle accélération nous subissons ! Cela nous fait tellement vieillir. J’aime la tombée du jour et l’aurore, car c’est là où le temps est le moins nerveux, où je sens le plus la beauté de mes traits. Le corps aussi à son temps, le temps des repas. Le soleil a fait jour sur terre, cette grande pendule atomique qui nous offre l’aurore et son coucher.


Mon intimité dans cette immensité, tout doucement filent les souvenirs. Le singe au regard triste et paisible, je maintiens, nous avons le regard triste et paisible ; mes yeux ouverts sur une réalité.

Combien fut sombre le jour et la nuit, mais toujours j’ai vu la sortie. Croyez-moi vous qui cherchez une élue, faite votre destin maintenant. Humains, savez-vous le ciel ? La terre est belle, forte : « bonté, sagesse, et l’on est tous intelligent », écrivais-je dans mon journal ; mais la bête surhumaine vous a pervertis.


Quels soubresauts !

« Pitchoune »

Et cette PAIX qui tarde

C’est si beau mon quartier à Marseille.


J’étais dans la souffrance, et quand on est dans la souffrance on est dans la souffrance. On n’a pas le temps (peut-être pas la vitesse de l’esprit) de se dire que l’on souffre.


Ce vase me laisse pantoise. Ni je le trouve beau, ni laid. J’aime y mettre des fleurs. Surtout les sauvages de la colline. Les objets je m’en sers. Ils ne m’émeuvent pas. C’est l’humain qui m’appelle, à qui je réponds. Bavarder est si agréable. Écrire est si jouissif, donne tant de recul, rends si belles les journées et les échanges entre poètes.


J’ai eu si peur d’être seule, alors qu’il faut partir à l’aventure. J’ai pleuré de ma misère humaine, je n’ai pas d’ami. Parfois triste mais optimiste, il faut faire confiance. Nous sommes tous des enfants du hasard, il faut croire en soi dans la vie. « La voie du juste milieu », j’aime beaucoup ce concept. Prendre la vie d’un autre pour la porter est horrible, nous avons assez à faire avec la nôtre ; à part cela nous pouvons aider, mais jusqu’à une certaine limite.



Je suis sur les genoux. Je n’en peux plus. Les illusions sont tombées. Reste la réalité. Le silence. De nouveau l’abandon. Je pèse de tout mon poids. Le calme pas encore là, comme si d’être ou avoir été, laissait un vide. Plus aucun regret ne se glisse. Mon corps souffre, comme s’il était fouetté. Quel est ce tremblement aux lèvres ? Je n’ai pas peur, ni besoin d’être rassurée. Je suis sûre. Une énigme disais-tu. Non plutôt comme quelque chose qui fait souvent légèrement mal. L’autre qui se rate, que l’on rate.


Bruits sourds, loin du labeur. Bruit de clameur. Retombée. J’aimerais entendre, quoi d’autre ? L’horizon est loin. Enfin le bruit d’un volet qui claque. Tu bois ton café chaud, déjà habillé. Sur la tapisserie la marque du tableau, le rêve au loin. L’amour et la chance, comme ce temps est agréable. Dictionnaire en main je traque la définition de « profondeur ». Le temps coule.


Ce matin me fait penser au sourire du timbre-poste. Les voitures roulent comme si elles se poursuivaient, crisse mon stylo sur la feuille pour trouver les phrases. Tout va si vite le matin, tout juste un bonjour à la boulangère. Le son sourd des cloches, un son d’humidité, un tel soleil pourtant ! Il ne me viendrait pas à l’esprit de sortir maintenant. Non, attendre que les heures avancent, me prélasser encore.


Je suis morte de fatigue. Vraiment éreintée. « La pierre qui fracasse ». Lourdeur, mais de quoi ? Les humains ? Leur connerie ? Certes ! J’aimerais fermer ma face aux idiots. Taire à jamais. Sanglot. Je ferme à double tour ma maison.

Le temps est devenu capricieux. Les heures tournent, pour me rappeler l’odeur de la cave, où des pommes mûrissent. Pas du miel, ni de viande. Que du poisson à l'ail et du camembert, au goût si fort qu’il me donne la nausée. Et il n’est plus l’heure de l’aumône.


Ce ne sont pas les humains qui commandent la communauté, c’est la communauté qui commande les humains.


Il y a l’éternité et pas l’éternité. D’autres instants. Là ou rien n’affole. Tout est brisé certes. Reste le vaste inconnu. Frôler, tu frôles, existe-t-il encore un lieu ou l’amour vainc ? Le philosophe cherchait un homme, dans la nuit noire de l’oubli. Ton pardon est accordé, dans l’expérience, munie de ce qui fait que toi tu t’es enfuie. Bien sûr tu avais espéré un autre blanc à la noce. Optimiste mais triste, frayer son chemin dans le bien.


Tout reste ouvert sur la pluie et les arbres. Marseille flotte en se cherchant. J’ai oublié la vague. Je me suis rafraîchie à la fontaine. Toujours la même mais plus armée, ce qu’il a promis le tiendra-t-il ? Tu avais tant espéré des hommes. « Pendant que vous dansiez, moi je pleurais ». Faire confiance à ce qui avance, droit, debout. Mais n’y a-t-il pas un nom ? ne nomme-t-on plus ? Le gorille est parti, ta tribu n’appelle plus l’absent. Tant se cherchent dans le mal, tant se trouvent dans le mal.


Terre, ma terre, terre d’accueil pour l’humain, garde-moi en ton sein. L’âme en paix je t’écoute, le vent me berce, ma soif assouvie par le travail de mes mains. L’œuvre se fait par un abandon total à moi-même. Peut-être est-ce un ami qui a souligné mes dires. Mais le poids du silence entre nous, et tout et tant de trahisons marquent mon cœur. La même chose pour toi disais-tu. Nos solitudes comme pour mieux faire écho. Justes parmi les justes, arrimé sur le caillou, pierre par pierres nous avons voulu bâtir autre chose qu’un ghetto où tous s’entredévorent. Pour mieux sentir la paix en nous parfois nous prions. Pas naïve mais pure, telle je suis, dans la grande palpitation de cette terre.


Les fous, les mystiques, les pauvres, on en a marre. Dans mon réseau nous ne sommes plus nombreux. Nous échangeons nos compréhensions pour vivre notre libre-arbitre. Nous plaçons en premier l’éthique, la déontologie, et en second la liberté. J’ai de la chance dans mon malheur d’être seule, car je sais que je ferai toujours corps avec l’humanité la plus belle.

On ne m’aura plus. Je me souviendrai de ces choix, ses choix, dans les moments décisifs, et des choix de tous les autres.


Ô Allah, toi si immense, j’ai compris le cercle des cercles. Je me suis adressée à toi, humble et trahie par tant de miens. Le piège de la méchanceté se resserre autour de moi. L’affolement du mal, fatigue mes nerfs, qu’il travaille. Ne pas craindre satan, tracer vers ce qui est toi. J’ai eu si peur de faire mal, je savais tant aimer à la cantonade. Je m’abandonne à nouveau.


J’ai un Français rythmé, comme la verdure de Provence.

Quel feuillage ces arbres. J’aimerais tellement les peindre, effilé comme la queue de petits oiseaux. Jamais énervé.

Nous ne sommes et ne serons jamais « la main contre toutes les mains ».

La terre a besoin d’eau. Soyons pensifs, fortement pensifs. Pas de thym, beaucoup de melons. Les chats errants aussi ont soif. J’espère qu’on leur aura mis de l’eau.

Je sens l’odeur de ma transpiration, mon corps n’est pas un problème. Il vit.

Le berceau sur l’eau, Moïse. L’ami Juif nous disait de si belles chose, avec justesse.

Quel jeu l’enfant, en comptant et rendant la monnaie, dans le magasin de son grand-père.


Chacun pense ce qu’il veut, on est seul de toute façon. L’essentiel c’est de s’y retrouver soi.

J’ai tellement allégé mon fardeau que je vais d’un pas assuré.

Cap vers le futur. C’est si jouissif de partir à l’aventure en ayant ses marques.

« Nos paroles nous reviennent en échos » et nous écoutons dans le silence.

J’étais devenue « aveugle à la vie ». Je ne suis pas encore très bien réveillée, j’ai surtout fait l’expérience du cauchemar, je vais vers le jour.

Je n’ai pas besoin d’être rassurée, j’ai besoin d’un confident.

C’est extraordinaire. Extraordinaire. Je suis sur la bonne route. Être ici.



Sublimer, nos corps côte à côte, que je trouve beaux, dans une aisance, dénudés. Le baiser sur la bouche, pudique, lie notre alliance. Nous aimons nos corps qui prennent tout leur espace avec souplesse. Éveil, abandonnés, là, sur le grand lit, ensemble à bavarder ou à se taire. Nous savons l’attrait de notre âge où tant de choses encore se jouent, encore la vie devant nous. Sortent les mots qui surgissent de nos expériences, toujours tous les deux nous échangeons. Mon amour gardons nos textes pour continuer à écrire et les faire lire.



Amoindrie, je fais de force le deuil de mes projets. De femme je suis tombée à vieille femme. Le racisme contre ma classe sociale a fait le reste. J’ai rêvé seule. Le ravage de la ville, mon quartier, sans poste, sans bar, sans marchand de journaux. Est-ce donc le désert que je devais rencontrer ? Oui, le désert fut les villes. Le mal rongeait l’humain. Même les arbres se mirent à se tordre. Quatre ans que je tourne dans mon quartier ; le jour du mois où la fatigue est moindre, je sors dans le désert de ciment. L’erreur fut de croire à la communauté. La communauté qui devait s’inviter chez moi. Que j’ai tant attendue. Mais je sais que c’est l’individu qui doit rejoindre la communauté. Enfin, je suis mystique et je me contente de prier dans ma cabane en plein centre-ville. Je prie peu. On ne dérange pas Dieu pour un oui ou pour un non.


La réalité est plus froide que le rêve. Je dois donc faire plus attention à avoir une justesse de jugement.

Pour la jeunesse et la vieillesse, l’âge est important. Deux périodes de la vie qui sont chères à mon cœur. La spontanéité et la compréhension du monde. La jeunesse tient notre passé, car nous avons tous été jeunes un jour. Ces enfants du hasard remplissent l’espace comme des vagues, les cyclomoteurs vrombissent comme rendez-vous de flirt. Ils écrivent sur des papiers des poèmes épars où fleurs, larmes, joues rouges, se mêlent.


Combien parfois, certaines fourmis voyagent loin de la fourmilière.

L’énergie se mange à vive allure quand se ronge un frein.

Mahomet ne savait pas écrire, pourtant !

Certaines librairies ouvrent leurs portes même aux plus pauvres intellectuels, et aux prolétaires.

Tellement de portes se ferment dans la ville.

Un vert un peu foncé mais clair comme une fleur.

Nous-vous, la guerre battait son plein. Merci à l’homme qui m’a sauvé la vie. Ceux qui jouent le bien ne sont pas « des juges suprêmes », ils essaient de s’amener à leur vérité.


Je mettrai un visage sur l’amour et je t’oublierai. J’oublierai tout. Et si je me souviens de toi je me souviendrai TOUJOURS de ta trahison.




J’arrive à bond port. Laissant derrière peur et abandon, mais pas ma découverte. La folie m’est apparue bien extérieure et percée de mystères. Saccades après saccades, prudente. À deux on peut-être seul. Je me voulais sans ennemie, ce qui se montre masqué m’intéresse peu. Éblouissements, tous croient avoir percé mon secret. Puissante saveur de la brindille, si ténue devant la bourrasque. Pour une fois entendant. Mais quoi ? Quoi ? Que veulent-ils ?

Ce que l’homme fait ne devrait pas être changé par d’autres obscures mains. Je devrais prier parfois. Se faire pardonner puis se pardonner. Avoir les yeux grands ouverts, ne pas craindre de voir. « Pardonne nous nos offenses Allah, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés Allah. Mais ne nous soumets pas à la tentation Allah. » Ainsi soit-il.


Le sang cet oxygène liquéfié, auquel tout humain donne tant d’importance ; pour faire famille, qu’elle rigolade ! Moi, mon ciel est bleu-mer.

Je ne vais pas à la mort. Je n’ai pas de maître.

Tel un bouclier, une frontière au ciel terrestre et autour de la lune.



–------------------------------------------



L’horizon est toujours en bas, quand on monte sur un toit on le voit de loin.


Est-ce un destin, ou choisissons-nous dans les grands moments de notre vie ? Qui de la poule ou de l’œuf ?

« Un coup de dé jamais n’abolira le hasard. » Stéphane Mallarmé.


L’humanité ni je la déteste ni je l’aime. J’en fais partie.


Ils seront tellement avilis que vous serez avilis. Cela je vous le jure.


Heureux celui qui a les gestes et la pensée.


Ni l’ombre, ni la lumière ne sont mes maîtres. J’aime le jour.


Des masques mortuaires, un faux-fuyant, et ils lancent leurs sagaies. Aie-je encore à voir avec cela ? Non. Je sors peut-être les pieds en avant, mais j’en sors.


Dans le ventre creux du temps, la nuit.

« Et j’étais comme la lune, pas fière de moi, mais sans rancune, la vie c’est comme ça. » Joe Dassin.



Suite


Le corps n’est pas une machine-outil. L’âme, l’esprit et le corps sont liés, ils font corps si je puis dire. Le corps n’est donc pas une prothèse, il nous aime et nous l’aimons. On ne peut séparer l’âme, l’esprit et le corps. Ils avancent ensemble, ils avancent de front.


Au petit matin, frémir en buvant son premier café. Éveil dans le songe, gaîté. Quelle profonde nuit encore ! Même le tic-tac du réveil semble moins agressif, la fumée de ma vape plus épaisse. La guerre s’éloigne, si près du canon pourtant. Plus en moi, plus près de la souffrance et du bonheur des humains. Ce raisin, rustique avec ses graines épaisses, si bon, me fait penser à l’aristocratie française. On peut voir, même dans le vol d’un moucheron, si le plus petit hameau est paisible. Après tout dans l’automne il y a des jardins.


Le populaire a de bonnes façons de prendre l’Histoire. Car il est sain, surtout pour cela. Il a de bonnes défenses de survie et de vie. Car, surtout en temps de guerre, tout le monde souffre. Donc autant savoir penser par soi-même, et faire quelque chose de ses dix doigts.


Parfois mon maître c’est la maladie, et parfois la peur de la mort. Je dis cela après avoir été malade. J’en avais vraiment marre de souffrir. Je trouvais insupportable. Mais n’est-ce pas toujours la peur de la mort qui nous tenaille ? Alors qu’il m’est arrivé d’être si héroïque. L’héroïsme ne demande aucun courage. C’est de dépasser sa peur qui est courageux.


Le lumpen est toujours considéré comme anonyme, mais dans les regards on y rencontre l’immensité de l’espoir. Dans le regard d’un camarade j’y ai découvert la terrible réalité. Sans aucune parole, nous avons compris notre survie, notre lutte pour la survie. Le cœur réchauffé pour l’éternité j’ai poursuivi ma marche vers ce point ou l’humain peut être froid mais pas inhumain.

Le lumpen aussi a un camarade de combat.


L’histoire est déchaînée. Le vent hurle comme des loups. Tout se calme et je me retrouve attentive à cette guerre féroce en train de s’éteindre. Bientôt, très bientôt, la fête libératrice où tout chagrin s’évanouit pour laisser place à la gaîté et à la joie. Tant de bonheur à souhaiter. Très bientôt le champagne coule à flot. Le rêve entraîne et le réel entre dans les maisons. Pénètre dans les conversations une sérénité  merveille des mots. On laisse aller son souffle et les projets jaillissent.


Combattre la barbarie, tenir jusqu’à ce qu’elle s’écrase comme les tourments qu’elle nous a infligés. Vaincre toute barbarie d’où qu’elle vienne, quelle qu’elle soit.

Éthique, liberté, camaraderie.

Ce qui fut atroce, innommable, que cela nous serve à faire humanité. Plus belle encore.


Être humain est terriblement difficile, mais désirons-nous autre chose ? Et puis être autre chose est bien difficile aussi certainement.


Je vois enfin le jour.

C’est émouvant de vivre, après la déception.

Comme un long fleuve tranquille, dans la quête la sérendipité.




Francine Laugier 2017.




© Francine Laugier, octobre 2017.
Licence Creative Commons
Confidences de Francine Laugier http://francinelaugier.free.fr/confidences/confidences.html est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transposé.
Basé(e) sur une œuvre à francinelaugier.free.fr.
Les autorisations au-delà du champ de cette licence peuvent être obtenues à http://francinelaugier.free.fr/.