Francine Laugier - Terre, terre


L’écrivain

Eau, première vie, toi qui désaltères le vagabond, toi qui rafraîchis la terre fertile, eau du bain tiède, comme tu es indispensable. Dans les Cévennes je nageais à contre-courant dans si peu d’eau ! Et elle faisait briller les ardoises plates. Elle les rendait de couleur marron, elle les lissait. Ce frais de l’eau me détendait de la promenade à bicyclette. Eau arrose les déserts, remonte à la surface comme première vie.


Vogue, vogue, jusqu’à la terre incognita. N’oublie pas les présents à offrir aux habitants que tu vas rencontrer. Parfois des lacets ralentissent ta route aiguisant tes nerfs. Il te suffit d’être attentive, et tu y trouveras aussi camaraderie, et bonté et beauté. Tu te joindras aux fêtes et aux deuils, avec tes gestes sûrs et primordiaux. De duvet, de plumes, ton cœur, de carapace ta volonté, de droiture ton caractère.


Est-ce qu’on regarde passer l’écriture ? Ou bien cherchons-nous le verbe qui fait avancer l’humanité ? Vivre avec un éclair dans les yeux ? Regarder en face l’illusion du mal ! Ce fut Hermès qui m’enseigna ce tour de passe-passe. La lettre rejoignit mon alphabet, ce fut immédiat. Hermès fût ce jour-là un camarade humain. Maintenant j’erre sûre de moi. « La truite » hésite entre Hermès et Apollon. Hermès n’est que le passage. C’est Apollon qui est triomphant et qui soutient la clarté de l’aurore. J’erre sûre de moi.


Drapeaux de la paix, existes-tu à quelque part ? Le blanc peut-être, car il est sans tâche, sans oublier le tablier du forgeron, comme le yin et le yang vont bien ensembles ! Mais que la paix existe au Sud comme au Nord, à la campagne comme à la ville. Écrire la chanson du monde, la chanter. Comme la terre est belle vue de la lune. Le ciel est si immense.


Les nuages s’étirent, comme un tango, un rock, mais jamais une valse. Plutôt un paso-doble joué avec le bleu du ciel.

Maintenant, comme glacés les nuages ne bougent plus. Les branches d’arbres recourbées vers le ciel attendaient la brise, tendues, toutes tournées vers la pluie. Qu’un bel orage éclate et calme ma nervosité. Un oiseau, là-bas sous les branches d’un pin, « que le rouge flamboie », qu’enfin le ciel se calme ! Voici que le sec gagne, s’ébouriffent les pensées pressées d’en finir, semblables à l’arc à souder.


La maison sent bon le pain frais dans son panier tressé. Le mistral se lève. Va-t-il chasser cette couche nuageuse ? Les pins dans la colline bougent en bouquet d’épines, un coin de ciel bleu s’abrite dans les arbres. Le volet d’une voisine bat au vent des Alpes. C’est un temps dur. Les vaches doivent-être à l’étable.

La carte du tarot Marseillais : le bateleur. Jeune homme devant son établi, apprenant à manier ses outils. La fée-électricité va bientôt m’éclairer : le soir tombe. Une autre aurore se lèvera à tant de joie.


Je me tourne vers moi. Dans l’heure tardive de la nuit, je cherche désespérément un peu de repos, pour que ma volonté sorte comme neuve, pour tenir dans la beauté du monde.

Tenace la vie, de la rose à la mauvaise herbe, croît.

Sous la plume des écrivains coulent des rivières et des fleuves, parfois le tumulte des océans. À l’écoute du monde ou de leurs émotions, ils écrivent comme d’autres vont aux champs. Avec le recul nécessaire pour ne pas me perdre, j’entends chanter les matins quand j’écris.





Francine Laugier, janvier-février 2015.




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© Francine Laugier, janvier-février 2015.
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