Site de Francine Laugier

Et si j'allais promener ?



J'ai beau écouter, aucune petite voix ne se fait entendre. Elle m'abandonne encore à mon mauvais sort. Elle ne me grise plus pour écrire. Le réveil bat comme les pulsations de mon cœur, toute mon attention est accrochée à ce mouvement répété. Je n'habite plus la maison, je laisse à l'abandon, Je n'habite que ma feuille de papier et mon traitement de texte. Je n'ai que cela comme richesse, c'est cela ma véritable vigueur. Être à la hauteur de ce qui me retient à la vie. Il est une heure, se lève et se tisse la rumeur d'un fort vent du Sud, le sommeil ne se fait pas encore sentir.


Que je retrouve cette innocence fleurie : en pleine tourmente je ressentais un non-souci. Rien n'ébranlait la confiance que j'avais à ma voie. Deux jours sans électricité, en plein hiver, et l'EDF qui ne voulait pas réparer le déclencheur du compteur ! Moi, à la lueur des bougies, je te disais que c'était rien, que j'avais espoir en la vie. Et voici que l'épreuve revient, par d'autres chemins. Ma raison me tient sur les nerfs, ma nature se fatigue. L'action dans le manque d'harmonie est difficile. Dans cette nouvelle épreuve, j'aurais besoin de me sentir à nouveau dans l'œil du cyclone, pour retrouver encore ma naïveté fleurie.


Ils nous font passer du chaud et froid, cela n'arrête pas, les papiers administratifs, ces usent nerfs. Des cases à cocher où mon « je » n'y trouve pas sa place. Et trompez-vous, vous verrez combien cela coûte cher en tracasseries. Alors il nous faut demander de l'aide, mais quand le bateau coule nous voici renvoyés d'administrations en administrations, de bureaux à bureaux, et nous nous retrouvons sur une planche en plein océan. Ah, cela n'a pas la force de la vague, l'immense vague. Non, nous crevons sans pouvoir nous battre, à petit feu.


Plante de la longévité, les bambous tiennent bien dans les anciens pots de confiture. Longue vie à tout ce qui vit. Longue vie à toi qui a la volonté de vivre. Longue vie au système solaire, longue vie à ma planète.


Le jour se lève, je préférerais dormir encore. Haute traînée de nuages, goût sucré de l'orange, pas de courrier dans la boîte à message. Aux informations, gronde la crise en Europe. Comment finir la semaine ? Gronde ma colère. Pourtant ce désir fou de vivre, ce désir qui arrache jusqu'au tremblement la crainte, ce désir qui fait de moi un être d'amour.


Insister sur le temps, le temps qui s'échappe, la pensée monotone, rien ne fait barrage au rire d'une folle. Futur certain et incertain, vivre avec ce frôlement de ta main sur mon visage. Les pleurs sont séchés. Ta lettre amie, ne m'a pas apaisée : tu parles de ta famille, tu parles des tiens, tu me les as déversés en vrac, je me suis sentie petite comme une puce devant la place que tu me laissais, dans ce temps qui nous échappe. Mange, mange temps, cela n'empêche pas mon souvenir de voyager à travers ton écoulement.


Quand je suis prête à perdre espoir, un élan de force en moi tire vers la vie. Sans me débattre pourtant, seulement d'un coup de rein, je remonte du sombre à la lumière, dès que je m'égare.

Pensées qui vont vers des êtres que je ne choisis pas. Pourquoi vers ces autres ? Et pas vers ceux que je chéris ? D'accord, parfois il est arrivé de faire un bout de chemin ensembles, mais un si court chemin, d'apparence sans grande intensité. C'est comme ça, on ne sait pas toujours à quel enterrement on pleurera. Je dis cela car ma pensée allait à une vieille dame.


En plein jour, nous passions comme des ombres. Il nous a souhaité bonne chance, et cela m'a fait sursauter.


Te donner d'innombrables audaces, comme celle de traverser, éveillée, ta destinée. Ton clair-obscur, tu avais plongée si profond dans l'antre de l'épouvante, te voici rajeunie. Si les embûches que tu rencontres encore sur ton chemin t'empêchent parfois de dormir, tu acceptes enfin d'être en vie.


En même temps, cette volonté première ! Cet élan vers le grand jour. Cette lampe que l'on allume quand il fait nuit, quand la fatigue nous prend, et qu'il est l'heure de se coucher. Cette volonté qui nous pousse à être debout, même quand les difficultés font flancher nos jambes. Oui la vie, ce n'est pourtant pas toi qui me rends optimiste. Maintenant dans le fleuve, je ne m'accroche plus au bout de bois mort, je nage. Je sais qu'il m'attend sur la berge. Peut-être encore un peu de cette vie, je sais, pour la plupart du temps amère, comme une offrande faîte à un Dieu mort. Cet instant où je trouve la défaite, je rencontre le souffle primordial qui m'a faite Francine Laugier.


Après tous les tracas de la journée, bien décidée à m'étourdir, j'ai acheté du vin. Comme il est triste de boire seule ! Même oublier coûte sa part de tristesse. Ce soir, je me sens déchue, et, ma volonté éteinte, je bois ce vin comme du vinaigre aigre, la seule douceur : sur mes épaules ce châle offert par toi.


Se défendre, savoir se défendre, c'est bien là quelque chose qui m'est pénible, moi qui crois ferme que si l'on est né, l'on a droit à une vie décente sans rien demander. Mais il faut toujours justifier de sa venue au monde, comme si l'on y était pour quelque chose !


Un ange passe dans la nuit, pour nous dire que plus rien ne sera comme avant. Avant j'étais bouillonnante de reproches, que ne vienne surtout pas l'amertume ! Que s'approchent de moi des sentiments de velours, vifs et sûr pourtant. Que notre marche reste alerte. Que le hasard ne contredise pas nos désirs, comme dans un chemin boisé, l'humus et la brise font frémir de plaisir nos narines. Que nous arrive-t-il ? le temps passe, passe si vite. Nous voici à peine hommes, que le jour décline ! Invente encore pour moi la belle écriture, écris comme personne encore ne l'a fait. Moi, je murmurerai des mots, aux oreilles furtives des passants, pour que mon secret se propage, et témoigne de la vie drue.


L'écriture ce soir m'a tourmentée, comme un torrent ma parole pressée à dire. Déjà l'aube, et la nuit ne m'a pas tout donné. Comme je flâne en faisant du lèche-vitrines, l'infatigable rêve de promener ma plume. Trouver l'esprit, m'inspire le souffle sur les bougies d'anniversaire, c'est si lourd à porter les cadeaux des ans passés.


Francine Laugier, mai 2012







 

© mai 2012, Francine Laugier
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