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Francine Laugier

 

 

 

 

 

 

CONTE DE FAITS

 

 

(Version courte)

 

 


 

 

 

 

Le 12 août

 

Le chardon bleu,

plein d'épines,

que l'on cueille avec un kleenex.

 

Avoir le bourdon. C'est ça. Quelque chose qui tourne, qui tourne autour. Et qui peut piquer très fort.

 

Se promettre d'aller tous les matins attendre le facteur. Comme un rendez-vous à soi-même.

 

 

*

 

Le 13 août

 

Plein après-midi de chaleur.

Comme on dit pleine lune.

 

Rien qui passe ici. Si, hier au soir, un écureuil.

 

Hier au soir, une, puis deux, trois, quatre étoiles. Puis dans la plus grande nuit, un ciel si étoilé.

 

 

*

 

Le 14 août

 

Tout est là pour nous montrer la différence avec l'autre. C'est alors seulement que l'on peut s'entraider.

 

En finir avec la fusion. Comme rompt une tige. Vertige.

 

On voit des gens, puis on ne les voit plus. C'est comme un labyrinthe. Parfois les paroles fusent. Il suffit peut-être de les attraper.

 

 

*

 

Le 16 août

 

Pourquoi as-tu toujours besoin que l'on donne sens à tes paroles ? Pourquoi tes mots ne font-ils pas ton propre discours ?

 

Ce matin, un peu de pluie. Sans éclair ni tonnerre.

 

 

*

 

Le 17 août

 

La petite fille de la plage est revenue.

Le ciel bien dégagé, elle se baigne, l'air curieuse.

 

La mode des bouées est au fluo.

Des enfants construisent des châteaux magnifiques. A la terrasse du bar, j'attends le soleil pour aller me baigner.

 

*

 

Le 18 août

 

J'apprécie la plage le matin.

Les souvenirs arrivent par vague, sans discontinu, sans laisser de vague à l'âme.

 

La campagne aixoise est plus vaste que je ne croyais. Peut-être un jour j'y ferai des randonnées.

 

Espace. Le temps, je vais l'apprivoiser en ville.

 

*

 

Le 19 août

 

L'orage est passé. Dans de petits endroits, cela reste humide.

 

Je m'endors alors que je viens de faire une sieste. Ça m'énerve.

 

*

 

Le 20 août

 

Belle journée passée sur le sable.

 

Ombre brillante sous le parasol. Phare au loin.

 

Chaleur torride. Donne envie d'aller sur les îles en bateau.

 

*

 

Le 21 août

 

Au bar, retrouver croissants et café.

 

Tout l'été, il y a eu ces fleurs roses dans le jardin.

 

Balai, pelle et balayette, pendus au mur ici même.

 

C'est sûr, le soir je dors bien. Derrière la fenêtre, les volets.

 

L'opéra jouait dans le grand parc. C'était magique, c'était vers septembre. Nous étions ensemble. Il y a des années de cela.

 

A la fin des vacances, on regarde ce qui joue au ciné. Cela va bien avec la rentrée.

 

Sur la terrasse, je donne les restes de repas aux chats.

 

J'aimerais que ces belles journées continuent.

Ici l'hiver n'est pas trop rude.

 

 

*

 

Le 22 août

 

J'ai l'impression que mon rhume va un peu mieux que cette nuit.

 

La plage est peu peuplée. Déjà la rentrée. Enfin! Ça mettra les bus à l'heure. Une chose de gagnée.

 

J'ai postée la lettre. Si elle est en Bretagne, cela lui fera une surprise à sa rentrée. Elle doit profiter de l'eau. Mais normalement elle a déjà dû revenir.

 

Dommage qu'il n'y ait pas de leurs bons beignets. Je me suis régalée tout l'été.

 

Consommer, consommer, c'est toujours ce qu'on ne sait faire d'autre.

 

Ce que je fais de mieux en cuisine, ce sont les gratins.

 

Le ciel est bleu et blanc. Il ne pleuvra pas aujourd'hui.

 

 

*

 

Le 23 août

 

Sous un ciel couvert, je descends les escaliers.

 

Ce soir, au menu, salade et melon.

 

J'aimerais voir à la télé du patin à glace.

 

Une punaise tient au montant de la fenêtre un bout de ballon rouge.

Des glaces au café, quel délice!

 

Les résultats scolaires étaient moyens quand j'allais à l'école.

 

Ils n'époussettent pas sous la véranda, c'est avec un kleenex qu'on doit nettoyer sa table.

 

Le samedi, il y avait quantité de klaxons pour les mariés. Souvent même il y avait plusieurs mariages.

Parfois j'ai des souvenirs qui reviennent, ce sont de bons moments si courts.

 

Le carnet sur lequel j'écris est magnifique. Il vient de Chine. Acheté dans un bazar pour presque rien.

 

La musique que jouent les jeux électroniques ne me plaît pas.

 

Ils comptent leurs cartes avec bruits et fracas, mais ils restent bons amis.

 

La fenêtre de la véranda ferme mal. L'eau coule quand il pleut.

 

Je préfère jouer au scrable plutôt qu'aux cartes.

 

De briques est faite la cheminée. Ils l'allumaient pour faire de temps en temps des pizzas, mais c'était les anciens propriétaires.

 

 

Je ne dis jamais de mensonges. Je ne vois pas l'importance de mentir.

 

 

*

 

Le 24 août

 

Rhume tout le soir. Pas besoin d'aller me baigner. J'ai encore sommeil. Cela m'a énormément fatiguée.

 

Ce n'est pas la grippe. C'est un rhume. Il suffit de faire attention.

 

A la campagne, on donne les coquilles d'oeufs aux poules. C'est stupide.

 

Enfin, je prendrai plus de temps à flâner. Qu'y puis-je ?

 

Je prendrai un peu d'huile essentielle en rentrant à la maison.

 

Le petit lavabo dans son coin. C'est touchant.

 

Bon. Penser à des choses agréables. Me baigner ce serait si bon. Cela me calme. Si ce n'était les cheveux trempés.

 

Je ne fume pas plus que d'habitude. Ce n'est donc pas la cigarette. C'est un rhume, c'est tout.

 

 

*

 

Le 27 août

 

Hier soir, rafales de vent. C'était impressionnant. Ce matin, mistral léger. Je ne sais pas encore si je vais me baigner. Je tousse encore un peu.

C'est dommage car après l'eau sera froide. D'ailleurs elle a dû déjà refroidir avec le vent. Je vais quand même au moins me mouiller les pieds pour voir sa température. Il y a de courtes vagues, de celles qui mettent de l'eau dans les yeux. Ce n'est pas une mer d'huile comme je l'aurais espérée.

Hier, bonne journée à Aix.

On a un peu froid. Sale temps. C'est à cause du vent tout ça. Je ne vais pas rester longtemps ici. J'ai des frissons.

 

*

 

 

Le 28 août, A-M

 

Le bar est calme, à part des jeunes qui jouent au baby-foot.

 

Il fait chaud quand on est à l'abri du vent, derrière les vitres.

 

Le cahier est à la taille de ce que j'écris : petit.

 

*

 

Le 29 août

 

Cette nuit encore, impossible de m'endormir. J'ai fumé et surtout toussé. C'est comme ça.

 

Je viens de mettre du sucre dans mon café. Je n'aime pas le café sucré. Enfin, je le bois quand même.

 

J'ai de petites transpirations. C'est le rhume.

 

Blanche est la mer quand il y a de petits nuages.

 

Ce bar est plein de courants d'air. Heureusement que mon rhume me fait moins souffrir qu'avant hier.

 

Comme c'est joli à travers la fenêtre. C'est tout vibrant.

 

Noix de coco,

blanche à l'intérieur.

 

Il y a une grande maison blanche avec des volets verts.

 

Je vais bien, à part mon petit rhume qui toujours m'embête.

 

Réfléchissons un peu : cela fait combien de jours déjà ?

 

C'est bon un café sucré.

Bon est mon café. Bien que pas trop à mon goût.

 

Une feuille morte entre dans le bar.

Quel beau temps gris fumée!

 

 

*

 

Le 29 août, AM

 

Devant le lavabo, la serviette est posée sur une chaise ; les travailleurs sont passés par là.

 

Dans le bar, on sert des repas chauds. Plat du jour.

 

Le temps hésite entre la grisaille et le ciel bleu.

 

Vent fort. Va-t-il nettoyer tout ça ?

 

D'où je suis, on voit la côte descendre tout doucement vers la plage.

 

Les feuilles des arbres bougent. Vent brillant.

 

Dans le bar calme, fredonne une musique.

 

Serviette posée.

Les travailleurs

Sont passés par là.

 

Un détail change, et tout est nouveau au regard.

 

Les fleurs dans leur pot.

Quelle simple beauté.

 

Jeux de toutes sortes. Chevaux, loto, grattage. Espoir de gagner. Mise à dix francs. Chance.

 

Peut-être du courrier à la maison. Ce cadeau des amis.

 

Les nuages passent. Le vent aussi.

 

Le boulanger est venu prendre son café. Pose entre deux fournées.

 

Quand passe le vent,

feuilles voltigent.

 

C'est l'heure où les bureaux ouvrent leurs portes au public.

 

 

*

 

 

Le 30 août

 

Ce matin, petit air frais. Si tôt encore.

 

Grande villa à étages. Blanche comme on en fait dans le sud, en Provence.

 

Les jeunes parlent de boîtes de nuit. Danser sur la pointe des pieds.

 

Bientôt la rentrée des classes. Le bar sera plein à onze heures et demie. Cela va sentir bon les cahiers, les stylos.

 

Le tablier fleuri, la jeune femme prépare à manger.

 

Le vent s'est calmé, certainement dans la nuit. On se réveille avec un ciel dégagé.

 

Le ciel strié de petits nuages blancs. Un beau soleil. Reste l'été.

 

Quand les cassettes s'arrêtent, on entend les discussions du bar.

 

L'argent ça va, ça vient, mais il en faut un minimum.

 

Les gens jouent à des jeux de hasard auxquels je ne joue pas.

 

Un avion passe bas sur la ville.

 

J'aimerais bien aller faire un tour à la campagne, bien qu'on soit mieux au bord de la mer en cette saison.

 

Les jeux électroniques sont moins intéressants que le baby-foot.

 

L'homme de l'an dernier est revenu.

 

La belote est un jeu qui fait parler.

 

Personne n'est heureux. C'est comme ça.

 

Billard, c'est un jeu agréable. On peut y jouer seul ou à plusieurs.

 

Reste du sable sur mes jambes.

 

 

*

 

le 31 août

 

Dans le bar, il y a toujours de la musique pop. Je me mets à préférer le bruit au silence.

 

Je croyais que c'était un avion. C'était un oiseau qui volait très haut.

 

J'aimerais me balader dans un bois frais. La Sainte-Baume. Il n'y a plus de car pour y aller.

 

La barrière

peinte en bleu

brille bien

au soleil.

 

Le bar se calme. Par moments, lourd silence de bois, et papier de ma cigarette.

 

Des sifflotements arrivent par saccades. Puis la musique reprend de plus belle.

 

*

 

 

Le premier septembre

 

Vent, vent, vent. Yeux gonflés par la fatigue. Très laide ce matin. Cheveux en l'air. Mauvaise figure.

 

Ce vent salit tout. Il arrache des rameaux aux arbres. Même des feuilles vertes. Il fouette.

 

Pourtant j'ai bien dormi et me suis bien réveillée. Disons que j'ai dormi tout mon saoul.

 

C'est le concours de boules. Certains racontent leurs vacances passées avec conviction.

 

Le pain au chocolat de ce matin, quel régal!

 

Je reprends mes anciennes habitudes de sucrer mon café. On se réhabitue vite.

 

Si ça continue, la plage, ça risque d'être foutu. Dès que le vent s'arrête j'irai au bord de l'eau me baigner.

 

Ça parle de surf. L'été est encore là.

 

Un oiseau

au loin

qui volette.

 

Le vent a l'air de souffler moins fort. C'est amusant de marcher en plein vent. Faire de la moto doit être très agréable.

 

 

*

 

Le 2 septembre, 9 h 08

 

Serviette négligemment posée.

Nonchalance ou recherche ?

 

Peut-être courrier en rentrant.

 

Hier au soir, dans le lit, drôle d'impression.

 

 

*

 

Le 3 septembre

 

A Marseille, l'automne arrive très vite. Fini la mer, septembre est là.

 

Le chemin est bien balayé.

 

Cette nuit, cauchemar vite passé.

 

Bon, un homme passe et dit bonjour.

 

Le geste d'un torero ou d'un pêcheur au filet, quelle beauté! Il y a des gestes qui sont beaux, plus que certaines danses. Bien que j'aime beaucoup la danse.

 

Entendre les jeux de boules.

Les boules claquer.

 

J'en ai assez de ce temps brumeux.

J'aime la neige.

Au moins c'est joli.

A Marseille il a déjà neigé.

 

*

Le 4 septembre

 

Les tables sont propres dans ce bar.

 

Des oiseaux, dans une haie, qui s'envolent.

 

Il fait bon quand on est un peu couvert.

 

Je ne me rappelle plus de mes rêves.

 

*

 

Après-midi

 

J'ai mis une petite veste pour être bien partout. J'ai trouvé du parfum, je m'en suis mise.

 

Le bar est presque vide, quelle chance!

 

Les gens disent n'importe quoi.

 

Il fait un temps de saison. Déjà le quatre.

 

 

*

 

 

Le 5 septembre

 

Aujourd'hui bonne baignade.

L'eau était fraîche mais quel bonheur de nager.

 

Discussion intéressante ce matin. Impression vive de vivre.

 

Je suis seule au bar de la Vieille-Charité.

C'est bien rangé.

 

Les espaces publics calmes, c'est ce qui me convient le mieux.

 

J'aime me trouver dans des endroits sociables où j'ai une place, même voilée.

 

J'ai toujours écrit lentement. C'est mon rythme.

 

Se quitter, puis se dire « coucou c'est moi ».

 

Jusqu'à maintenant, le bar était calme, et c'est cela qui me plaisait. Mais toujours arrivent des gens qui se font remarquer. On aimerait leur dire de parler plus bas.

 

Des femmes se sont assises, et font tout pour attirer l'attention.

 

On se demande pourquoi tout cet apparat, pour qui, pour quoi ? Est-ce leur idée de la séduction ?

 

Puis quand leur voix se fait plus calme, on est contente.

 

Ou, simplement, ce sont de bonnes copines qui en oublient qu'elles sont dans un lieu public.

 

Elles se laissent aller à la conversation comme si elles étaient seules dans leur salon.

 

Dans le sud on fait beaucoup de gestes quand on parle. J'aime beaucoup.

 

La conversation s'est faite murmure. Plus légère.

 

Comme une détente.

Quelques éclats de rires ponctuent.

Bien être.

 

La serveuse nettoie tables et chaises avec grand soin. Le bar ferme. Elle me permet de rester à ma table.

 

Pourtant si tôt encore, et c'était si bon ce doux soleil. Le voici voilé par des nuages. Puis il ressort comme si de rien n'était.

 

 

L'eau froide qui recouvrait mon corps. Et je nageais heureuse de cette sensation.

 

Les gens vont et viennent dans les différents coins, sous les arcades.

Aucun visage connus : visiteurs du musée. A petits pas ils vont et viennent dans les allées.

 

 

*

 

Le 6 septembre

 

Il me faut ma dose d'esprit, sinon je dépéris.

C'est lui qui me satisfait le plus sur ce plan là aussi.

 

Dans le bar, les habitudes se prennent, maintenant on me sert mon café sans que je le demande.

 

J'aime me promener en bus. Surtout dans les neufs où il y a une meilleure suspension.

 

« Imposez-vous », me dit l'homme dans le magasin pour que je passe avant lui.

 

Longue discussion, hier soir sur le pas de porte, en prenant le frais.

 

J'aime entendre les voix, des graves, des plus aiguës, certaines chantantes.

 

Du pain tendre, de bon matin, comme petit déjeuner.

 

J'aime les petites boîtes qui contiennent un tout. Comme les petites boîtes à coudre ou à peindre.

 

Les dessins populaires sur les vitres, comme au moment des fêtes de fin d'année.

 

Idée géniale qu'il faut au moins deux langues pour bien savoir en parler une. Quand on n'en connaît qu'une, on a tendance à inventer un jargon.

 

L'espace des bars : le comptoir où l'on discute, la grande salle, et le petit coin banquette où l'on se blottit.

 

*

 

Le 9 septembre

 

Avec les travaux, on se croirait à la campagne quand on taille les arbres.

 

Les gens. Qu'est-ce que ça veut dire les gens ? Rien.

 

J'aime les petites boîtes qui contiennent un tout. Comme les petites boîtes de couture ou d'aquarelle.

 

 

 





Paru dans À TRAVERS CHAMPS

© 1996, Francine Laugier
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