Site de Francine Laugier

 

 

 

Francine Laugier

 

 

 

CONTE

DE FAITS

 

 


 

Table

 

 

 

1 Convalescence

 

2 La plage

 

3 Le rhume

 

4 Les gens

 

 

 

 

 


 

 

(Version longue)

 

 

 


 

 

 

 

 

1

Convalescence

 

Le 5 août

 

Quoi de plus intéressant

Que d'allumer la télé

Comme bruit de fond ?

 

 

Une journée tranquille

Dans les pins

Quelle fraîcheur!

 

 

On ne regrette rien

Ni ce petit mal

Ni le bien.

 

 

S'étirer comme une chatte

Mais jusqu'où arriverait-on

A se lécher ?

 

 

Cailloux éparpillés

Sur le chemin

Que les malades parcourent.

 

 

 

A la force, il manque une part de sagesse.

Et à la sagesse, une grande part de force.

 

 

 

« On n'écrit pas pour communiquer, on écrit pour concevoir », dit-il.

 

 


 

 

Le 11 août

 

Je regrette de ne pouvoir pencher ma tête à la fenêtre

pour voir le jour se lever.

 

Pourquoi as-tu toujours besoin que l'on donne sens à tes paroles ? Pourquoi tes mots ne font-ils pas ton propre discours ?

 

Ce matin, un peu de pluie. Sans éclair ni tonnerre.

 

Cet éclat de rire sur un sujet si grave...

 

Plus de lettre entre nous, comme une coupure d'électricité.

 

Les pourquoi furent naïfs. Puis si graves.

Au début je me voulais particulière par plaisir.

 

Se faire confiance sans béquille. Jusqu'où est-ce encore moi ?

 

J'ai cru que la psychanalyse c'était un sas où tout pouvait se dire comme dans les oracles de Delphes.

 

Pourquoi les êtres passent si vite dans ma vie ? Sauf deux.

 

 


 

 

Le 12 août

 

Le chardon bleu,

plein d'épines,

que l'on cueille avec un kleenex.

 

On repense aux amis qui sont passés ici. Certainement, quelle chance d'être plus loin.

 

Au fond de soi, parfois, un cri d'appel lancé à quelqu'un.

Il n'en saura rien.

On appelle cela son jardin secret.

 

Pourquoi, quand on se rapproche de son compagnon, on a si peur, comme si l'on en redemandait, d'être prise en charge ? On lui en parle. Il répond « apprends la patience ».

 

Hier,

quand le soir tombait,

quand la nature se calmait, quelqu'un me manquait.

 

Elle me dit : trouver son boulot. Le trouver et maîtriser son vertige.

 

Certains me disent de me reposer, d'autres de me distraire, d'autres encore de me laisser aller. A moi, à moi, à moi... de trouver.

 

 

L'alliance, hier, était trop grande pour aller à l'annulaire, le doigt de l'amour. J'ai changé de doigt. Ce matin, je l'ai remise à sa place.

 

Avoir le bourdon. C'est ça. Quelque chose qui tourne, qui tourne autour. Et qui peut piquer très fort.

 

Se promettre d'aller tous les matins attendre le facteur.

Comme un rendez-vous à soi-même.

 

J'ai vu deux petits chats. Et aujourd'hui une chatte. Pas moyen de les voir réunis. Peut-être demain.

 

La frustration est-ce un pouvoir que l'autre prend sur vous ?

A creuser.

 

 


 

 

Le 13 août

 

Un rêve qui étire.

Un rêve qui dénude, et revêt en même temps.

 

Combien il est difficile de se réveiller aujourd'hui. Attendre sous l'arbre argenté que le bar ouvre pour un bon café.

 

De loin en loin, je sens ta présence. Le sevrage se fait sereinement et sûrement.

 

Toutes les blouses blanches des femmes de ménage qui prennent le frais sur la terrasse.

 

Plein après-midi de chaleur

comme on dit pleine lune.

 

Rien qui passe ici. Si, hier au soir, un écureuil.

 

Hier au soir, une, puis deux, trois, quatre étoiles. Puis dans la plus grande nuit, un ciel si étoilé.

 

On veut me montrer sa présence. Je le vois. Mais, comme on dit, de l'eau a coulé sous le pont.

 

La jalousie est un vilain défaut, mais l'impuissance est pire encore.

 

 

Il passait pour un sage, mais il oublia de me donner à boire quand j'avais soif.

 

Tout grésille, ici, sous ce sous-bois. Et moi je suis tranquille.

 

 


 

 

Le 14 août

 

Certains livres remuent comme s'ils donnaient une réponse.

 

Hier soir elle me disait les choses simplement. C'est plutôt moi qu'il fallait consoler. Elle y est presque arrivée.

 

On ne comprend pas ce que l'on veut. Quelquefois, sens. Mais il passe dans une analogie. Ou alors on est à côté, et c'est là que l'on comprend ce que son imaginaire veut comprendre.

 

Tout est là pour nous montrer la différence avec l'autre. C'est alors seulement que l'on peut s'entraider.

 

En finir avec la fusion. Comme rompt une tige. Vertige.

 

On voit des gens, puis on ne les voit plus. C'est comme un labyrinthe. Parfois les paroles fusent. Il suffit peut-être de les attraper.

 

Quelque chose en moi a changé, mais ne s'est pas encore installé.

 

Je ne me console plus comme avant. J'ai plutôt tendance à aller vers les autres.

Ils ne me répondent rien.

 

 


 

 

2

La plage

 

Le 18 août

 

 

Les souvenirs arrivent par vague,

sans discontinu,

sans laisser de vague à l'âme.

 

J'apprécie la plage le matin.

 

Passer d'une mythologie à une autre... mais il ne faudrait pas oublier la réalité.

 

Projets : laisser faire l'instinct.

Puis, petit à petit, la longue viendra.

 

L'orange pressée,

le punch,

un après-midi d'été.

 

Etre dans le moment, tout en projetant.

 

 

Mes yeux ne sont plus vagues,

parfois ils ont de la tristesse.

 

Le jeu de belote, les boules, la pêche.

 

La campagne aixoise est plus grande que je ne croyais.

Peut-être un jour j'y ferai des randonnées.

 

Espace. Le temps, je vais l'apprivoiser en ville.

 

L'orage est passé.

Dans de petits endroits, cela reste humide.

 

Je m'endors alors que je viens de faire une sieste. Ça m'énerve.

 

La petite fille de la plage est revenue.

Le ciel bien dégagé, elle se baigne, l'air curieuse.

 

La mode des bouées est au fluo.

 

Des enfants construisent des châteaux magnifiques. A la terrasse du bar, j'attends le soleil pour aller me baigner.

 

Je le reconnais entre mille : c'est mon homme.

 

Un cargo passe. Toutes ces richesses promises.

 

J'ai revue la bouée de mon enfance : un pneu gonflé.

 

Ce matin de bonne heure, le téléphone a sonné. Je ferai une sieste.

 

 


 

 

Le 20 août

 

Belle journée passée sur le sable. Ombre brillante sous le parasol. Phare au loin.

 

Chaleur torride.

Donne envie d'aller sur les îles en bateau.

 

Point de merveilleux, mais une réalité réconfortante.

 

 


 

 

Le 21 août

 

Tout l'été, il y a eu ces fleurs roses dans le jardin.

 

Au bar, retrouver les croissants.

Balai, pelle et balayette, pendus au mur ici même.

 

C'est un temps à aller à la plage. Beaucoup de vacanciers sont rentrés. Restent les gens calmes.

 

Bien sûr, si j'avais une voiture à disposition, j'irais me balader où je veux.

 

 

 

C'est un homme élégant et costaud.

 

Cet après-midi, voir une amie. Fini de traîner.

 

 

 

C'est sûr, le soir je dors bien.

Derrière la fenêtre,

les volets.

 

Habillée de propre, on se sent plus légère.

 

Le matin, commander un premier café, puis un autre.

 

L'opéra jouait dans le grand parc. C'était magique, c'était vers septembre. Nous étions ensemble. Il y a des années de cela.

 

A la fin des vacances, on regarde ce qui joue au ciné. Cela va bien avec la rentrée.

 

Le micocoulier est devenu grand et haut. Il donne une bonne ombre.

 

Se donner des moments de calme. Des rendez-vous avec soi

pour mieux travailler.

 

C'était le temps des violettes, elles sentaient bon.

 

Sur la terrasse, je donne les restes de repas aux chats.

 

J'aimerais que ces belles journées continues.

Ici l'hiver n'est pas trop rude.

 

Je me promets toujours d'aller à la montagne. Mais ni lui ni moi ne savons skier.

 

La brume matinale part.

Un ciel bien bleu se fait voir.

 

 

...

 

 


 

 

Un peu plus loin.

 

 

Je ne peux pas me baigner. C'est embêtant.

Enfin, ici c'est calme. C'est déjà ça de gagné : le repos. Bien sûr, j'envie les autres. Je n'ai jamais de chance.

 

La plage est peu peuplée. Déjà la rentrée. Enfin! Ça mettra les bus à l'heure. Encore une chose de gagnée.

 

J'ai postée la lettre. Si elle est en Bretagne, cela lui fera une surprise à sa rentrée. Elle doit profiter de l'eau. Mais normalement elle a déjà dû rentrer.

 

Dommage qu'à la rentrée, il n'y ait pas de leurs bons beignets. Je me suis régalée tout l'été.

 

Lire Bertrand Russell, pourquoi pas ?

 

 


 

 

Le 22 août

 

 

J'ai l'impression que mon rhume va un peu mieux que cette nuit.

 

Je suis gourmande pour les sucreries plus que pour le salé.

 

Un bateau pour la Corse passe à bonne vitesse.

 

Consommer, consommer, c'est toujours ce qu'on ne sait faire d'autre.

 

On ne va pas tarder à y aller. D'abord des frites.

 

Ce que je fais de mieux en cuisine, ce sont les gratins.

 

Demain, c'est demain. On verra!

 

Le ciel est bleu et blanc. Il ne pleuvra pas aujourd'hui.

 

Dans la sauce des betteraves, l'ail se teinte d'un rose vif qui ne semble pas du tout naturel.

 

 


 

 

Le 23 août

 

 

Sous un ciel couvert,

je descends les escaliers.

 

Le petit garçon joue au marchand sur son établi jaune.

 

Le temps est un temps de fin d'été.

 

La jeune femme tousse en souriant.

 

Le refrain sifflé d'une chanson d'été.

 

 

 

Il me regardait et me trouvait sympa.

 

Ce sont toujours les mêmes qui ne partent jamais en vacances.

 

Ce soir, au menu, salade et melon.

 

J'avais besoin d'un peu de repos pour mieux me sourire.

 

C'était un homme sympathique. On se croisait tous les jours sans même se dire bonjour.

 

Les échanges devraient être plus nobles par moments.

 

 

Sortir de chez soi, retrouver la rue, les parfums des marchands.

Quel bon après-midi.

 

Le bleu ciel est une couleur enfantine.

 

Le soleil est revenu. Demain, la plage.

 

Il lit attentivement. Pas préoccupé, mais sûr de soi.

 

Accoudés au comptoir, ils parlent de leur journée de travail.

Quand j'écris, j'ai besoin de fumer. Sinon je m'énerve.

Quel bruit!

 

J'aimerais voir à la télé du patin à glace.

 

Il m'est arrivé de rire de bon coeur, joyeusement, même si les moments furent rares.

 

J'ai bu une orangeade. C'était frais.

 

Une punaise tient au montant de la fenêtre un bout de ballon rouge.

Des glaces au café, quel délice!

 

L'hiver je bois du café et parfois du thé à la menthe.

 

Les résultats scolaires étaient moyens quand j'allais à l'école.

 

 

Ils n'époussettent pas sous la véranda, c'est avec un kleenex qu'on doit nettoyer.

 

Le samedi, il y avait quantité de klaxons pour les mariés. Souvent même il y avait plusieurs mariages.

 

Jaune, sa couleur préférée, ça la rajeunit.

 

Depuis que tous sont en or, je ne pense plus à mes bijoux.

Je les porte l'air léger.

 

Le trou au pantalon est bien cousu. J'espère que ça tiendra au lavage.

 

De toile fine je suis habillée. Ça me marque la taille et les chevilles, ce pantalon de couleurs claires et foncées.

 

Parfois j'ai des souvenirs qui reviennent, ce sont de bons moments si courts.

 

Personne ne pense à la dureté de ma vie, et c'est normal.

 

Le carnet sur lequel j'écris est magnifique. Il vient de Chine. Acheté dans un bazar pour presque rien.

 

Quel calme, cette belle journée. J'en veux plein de ce style là.

 

Il faut que j'aille rabattre la fenêtre, pour ne pas qu'elle claque dans le vent.

 

Bien attaché, le linge résiste au vent. Il séchera plus vite et sentira bon.

 

J'ai acheté un stylo avec grand soin, je l'aime bien. C'est un stylo à cartouche d'encre.

 

Aller se promener et le rencontrer. Il est jeune et sympa.

 

La musique que jouent les jeux électroniques ne me plaît pas.

 

Ils comptent leurs cartes avec bruit et fracas, mais ils restent bons amis.

 

La fenêtre de la véranda ferme mal. L'eau coule quand il pleut.

 

Je préfère jouer au scrable plutôt qu'aux cartes.

 

De briques est faite la cheminée. Ils l'allumaient pour faire de temps en temps des pizzas, mais c'était les anciens propriétaires.

 

L'herbe a des reflets violets. Ça sent bon le café. C'est un bon départ pour une matinée.

 

Le matin, je n'aime pas me retrouver seule à boire mes cafés. Je préfère les boire en sa compagnie. Cela fait jour de fête.

 

Ils ne passent que des téléfilms à la télé. C'est fatiguant.

 

 

Je ne dis jamais de mensonges. Je ne vois pas l'importance de mentir.

 

La détente après un énervement de tonnerre.

 

J'aime bavarder de tout et de rien. Comme ça, pour le plaisir.

 

Le poupon a un sexe de garçon et la poupée peut faire pipi. C'est la génération des femmes libérées.

 

Il semble sommeiller en lisant. Il a peut-être sommeil.

— Non, plutôt une paresse, un bien-être.

 

Quel plaisir d'aimer un homme quand on est une femme. Et réciproquement.

 

J'ai un anneau d'or à mon doigt d'amour. Cela me ressemble tellement.

 

Je vais avoir quarante et un ans. C'est un âge que j'aime bien.

 

Les chaises pliantes n'ont pas été achetées. Ce n'est pas plus mal. Cela laisse de la place.

 

Lunettes de soleil, j'aime ça en plein été. Une exigence de la beauté.

 

 

 

 

Commencer sa journée en allant à la plage. Impression de printemps. Se sentant bien habillée en jaune et en jean's. Bronzée normalement, ni trop, ni pas assez.

 

 


 

 

3

Le rhume

 

Le 24 août

 

 

Rhume tout le soir. Pas besoin d'aller me baigner. J'ai encore sommeil. Cela m'a énormément fatiguée.

 

J'apprécierais beaucoup d'aller me baigner.

 

J'ai rêvé de rivages lointains sur du sable fin.

 

Je tousse. Peut-être est-ce hystérique. En tout cas je ne peux faire autrement.

 

Je bois mon deuxième café, et j'ai terriblement sommeil. Enfin...

 

Dès que j'apprécie bien quelque chose, je ne peux le continuer, c'est toujours pareil.

 

Ce n'est pas la grippe. C'est un rhume. Il suffit de faire attention.

 

A la campagne, on donne les coquilles d'oeufs aux poules. C'est stupide.

 

Enfin, je prendrai plus de temps à flâner. Qu'y puis-je ?

 

 

Bien que le produit pour la gorge fasse son effet.

 

Je prendrai un peu d'huile essentielle en rentrant à la maison.

 

Je suis à plat. Presque pas dormi. Et tousser toute une nuit, ce n'est pas rigolo non plus.

 

Mes projets de natation sont remis à plus tard.

J'aimerais m'acheter un bouquet de fleurs. Magnifiques en cette saison.

 

Le petit lavabo dans son coin. C'est touchant.

 

Je peux toujours aller à la plage sans me baigner. C'est un endroit que j'aime beaucoup.

 

Bon. Penser à des choses agréables. Me baigner ce serait si bon. Cela me calme. Si ce n'était les cheveux trempés et le froid.

 

Je ne fume pas plus que d'habitude. Ce n'est donc pas la cigarette. C'est un rhume, c'est tout.

 

Heureusement j'ai mis une veste. Pour moi c'est mieux, car mon tee-shirt est léger.

 

Les paquets de cigarettes augmentent sans arrêt. Ce n'est pas ça qui va m'arrêter.

 

 


 

 

Le 26 août, Aix Centre

 

Sur le cyclo, le signe anar, tout de gris et de noir.

L'autre adolescent, le signe de la paix à son cou.

 

Endimanché, costume, chemise blanche, le garçon de la campagne.

 

Minuscules tresses, elle joue à l'indienne, la lycéenne.

 

Cheveux rouges en houppette, la punk huilée et ses barrettes.

 

Deux pièces, talon, la quarantaine, la femme aux fleurs.

 

Lunettes bien cerclées, lèvres dessinées comme un coeur. Poitrine en avant, décolleté, tout avance.

 

Bref, c'est à dire, c'est à penser, c'est à traduire.

 

Elle arrive tard, elle sirote l'apéritif, la flâneuse.

 

Glaçons dans le verre, il avale l'apéro, je crois que c'est un camionneur.

 

Café servi sur la nappe à carreaux, la boulangère a quitté un moment sa boutique.

 

Chaussures tout terrain, sac à dos, il est peinard.

 

Type méditerranéen, une canne, pas seulement pour assurer le pas mais pour affermir sa prestance ; tout blanchi, son pas a de l'âge.

 

 


 

 

Le 27 août

 

 

Hier soir, rafales de vent. C'était impressionnant. Ce matin, mistral léger. Je ne sais pas encore si je vais me baigner. Je tousse encore un peu. Vivement que ce petit rhume passe.

C'est dommage car après l'eau sera froide. D'ailleurs elle a dû déjà refroidir avec le vent. Je vais quand même au moins me mouiller les pieds pour voir sa température. Il y a de courtes vagues, de celles qui mettent de l'eau dans les yeux. Ce n'est pas une mer d'huile comme je l'aurais espérée.

Hier, bonne journée à Aix.

On a un peu froid. Sale temps. C'est à cause du vent tout ça. Je ne vais pas rester longtemps ici. J'ai des frissons.

 

 


 

 

Le 28 août, A-M

 

 

Le bar est calme,

à part des jeunes qui jouent au baby-foot.

 

Il fait chaud quand on est à l'abri du vent, derrière les vitres.

 

Le cahier est à la taille de ce que j'écris : petit.

 

Ce qu'il peut faire bon à l'abri du vent.

 

La musique est toujours très moderne dans le bar. Même quand ce ne sont pas les jeunes qui le gardent, et que ce sont les parents qui mettent des disques.

C'est plus dur de se concentrer.

 

 


 

 

Le 29 août

 

 

Cette nuit encore, impossible de m'endormir. J'ai fumé et surtout toussé.

C'est comme ça.

 

Ma bague je la vois belle. La plus belle. Même si elle est simplement un anneau d'or.

 

J'en ai marre de ne pas pouvoir me baigner. J'aimerais nager longtemps.

 

 

 

Je suis un peu en vacances. Presque tout le monde a repris le travail. Il reste quand même des vacanciers. Pas beaucoup, mais cela fait plaisir à voir.

 

Je viens de mettre du sucre dans mon café. Je n'aime pas le café sucré. Enfin je le bois quand même.

 

J'ai de petites transpirations. C'est le rhume.

 

Voilà que mon rhume recommence. Raplapla.

A petits pas, il ne me quitte pas.

 

Blanche est la mer quand il y a de petits nuages.

 

 

Je n'apprécie pas trop le sucre. Il faut se faire à tout ce qui passe. Prendre la vie comme ça.

 

Ce bar est en plein courant d'air. Heureusement que mon rhume me fait moins souffrir qu'avant hier.

 

J'ai mes cachets pour le rhume, heureusement.

 

Aujourd'hui il fait beau. Dommage que je ne puisse me baigner.

 

Le goût de ces pastilles me fait une bouche bien fraîche.

 

Le mistral a l'air de se lever.

 

Mon chiffre porte-bonheur est le quarante-deux.

 

Comme c'est joli à travers la fenêtre. C'est tout vibrant.

 

Je vais bien, à part mon petit rhume qui toujours m'embête.

 

Noix de coco,

blanche à l'intérieur.

 

Il y a une grande maison blanche avec des volets verts.

 

Réfléchissons un peu : cela fait combien de jours déjà ?

 

Si je veux, je ne rentre pas à la maison. J'ai tout sur moi.

 

C'est bon, un café sucré.

 

 

 

Bon est mon café. Bien que pas trop à mon goût.

 

Blanche est ma feuille blanche.

 

Je vais avoir quarante et un an. Quelques mois, c'est tout.

 

Une feuille morte rentre dans le bar.

 

Quel beau temps gris fumée!

 

 


 

 

Le 29 août, après-midi

 

 

Devant le lavabo, la serviette est posée sur une chaise ; les travailleurs sont passés par là.

 

Dans le bar, on sert des repas chauds. Plat du jour.

 

Le temps hésite entre la grisaille et le ciel bleu.

Vent fort. Va-t-il nettoyer tout ça ?

 

D'où je suis, on voit la côte descendre tout doucement vers la plage.

 

Les feuilles des arbres bougent. Vent brillant.

 

Dans le bar calme, fredonne une musique.

 

 

Serviette posée.

Les travailleurs

Sont passés par là.

 

 

Je lis un livre sur les soufis qui me plaît beaucoup.

 

Serviette propre. Le bar est refait de neuf.

 

Un détail change, et tout est nouveau au regard.

 

J'espère que le droguiste et sa jeune femme viendront ouvrir leur magasin.

 

Le matin, un pain au chocolat, et je saute du lit.

 

A la plage abritée, quelques baigneurs isolés.

Il y a ceux qui prennent le soleil sur le sable.

 

Tourne le parasol

en même temps que le vent.

 

Fin août :

temps changeant.

 

Villa à étages, blanche.

Maison à volets verts.

 

La serveuse est arrivée.

Le bar va s'agiter.

 

Un beau soleil.

Quoi demander d'autre ?

 

Les fleurs dans leur pot.

Quelle simple beauté.

 

Bar ouvert au passage. Reste pourtant bar de quartier.

 

 

Jeux de toutes sortes. Chevaux, loto, grattage. Espoir de gagner. Mise à dix francs. Chance.

 

 

 

Peut-être du courrier à la maison. Ce cadeau des amis.

 

Les nuages passent. Le vent aussi.

 

Je me lève de plus en plus tôt. Je dors bien la nuit, emmitouflée dans mon drap blanc. C'est agréable.

 

Le boulanger est venu prendre son café. Pose entre deux fournées.

 

Ce matin je me suis réveillée, l'oeil vif.

 

Quand passe le vent,

feuilles voltigent.

 

C'est l'heure où les bureaux ouvrent leurs portes au public.

 

 

 

— Que dois-je faire, dit l'escargot, s'il ne pleut pas ?

— Patience, patience, répond le nuage.

 

Et le vent de dire : à moi, à moi, voilà.

 

C'est bien de se trouver dans un autre quartier. Les gens ne nous connaissent que de vue.

 

 


 

 

Le 30 août

 

 

Ce matin, petit air frais.

Si tôt encore.

 

Grande villa à étages.

Blanche comme on en fait dans le sud, en Provence.

 

Marseille, en été, est agréable.

 

 

 

Les jeunes parlent de boîtes de nuit. Danser sur la pointe des pieds.

 

Bientôt la rentrée des classes. Le bar sera plein à onze heures et demie.

Cela va sentir bon les cahiers, les stylos.

 

Le tablier fleuri, la jeune femme prépare à manger.

 

Le vent s'est calmé, certainement dans la nuit.

On se réveille avec un ciel dégagé.

 

 

Le ciel strié de petits nuages blancs.

Un beau soleil.

Reste l'été.

 

Quand les cassettes s'arrêtent, on entend les discussions du bar.

 

L'argent ça va, ça vient, mais il en faut un minimum.

 

Les gens jouent à des jeux de hasard auxquels je ne joue pas.

 

Un avion passe bas sur la ville.

 

J'aimerais bien aller faire un tour à la campagne, bien qu'on soit mieux au bord de la mer en cette saison.

 

Les jeux électroniques sont moins intéressants que le baby-foot.

 

Les enfants font des châteaux forts sur le sable.

 

Je ne vais jamais dans certains quartiers.

 

Il fait beau. L'eau est froide. Je ne me baigne pas.

 

Les gens vont et viennent

sur le sable.

 

Les enfants s'amusent,

les parents les surveillent, tranquillement.

 

L'homme de l'an dernier est revenu.

 

La belote est un jeu qui fait parler.

 

Personne n'est heureux. C'est comme ça.

 

Billard, c'est un jeu agréable.

On peut y jouer seul ou à plusieurs.

 

Reste du sable sur mes jambes.

 

 


 

 

le 31 août

 

 

Les semaines passent,

ainsi que les jours,

sans que je m'en rende compte.

 

Dans le bar, il y a toujours de la musique pop.

 

Je me mets à préférer le bruit au silence.

 

Toujours un peu de vent. L'eau est froide. Mais cet après-midi, je vais essayer de me baigner.

 

Je croyais que c'était un avion.

C'était un oiseau qui volait très haut.

 

Le toit rouge, les murs blancs.

La Provence...

 

Quoi écrire quand on a la tête trop prise ?

Des choses légères.

 

J'aimerais me balader dans un bois frais.

La Sainte-Baume. Il n'y a plus de car pour y aller.

 

La barrière

peinte en bleu

brille bien

au soleil.

 

La haute maison, mi villa, mi HLM, se dresse dans le soleil. Fière allure, avec ses balcons.

 

Le bar se calme. Par moments, lourd silence de bois, et papier de ma cigarette.

 

Des sifflotements arrivent par saccades.

Puis la musique reprend de plus belle.

 

 


 

 

Le premier septembre

 

 

Vent, vent, vent. Yeux gonflés par la fatigue.

Très laide ce matin. Cheveux en l'air. Mauvaise figure.

 

Ce vent salit tout. Il arrache des rameaux aux arbres. Même des feuilles vertes.

Il fouette.

 

Pourtant j'ai bien dormi et me suis bien réveillée. Disons que j'ai dormi tout mon saoul.

 

C'est le concours de boules. Certains racontent leurs vacances passées avec conviction.

 

Le pain au chocolat de ce matin, quel régal!

 

Je reprends mes anciennes habitudes de sucrer mon café. On se réhabitue vite.

 

Si ça continue, la plage, ça rique d'être foutu. Dès que le vent s'arrête j'irai au bord de l'eau me baigner.

 

Ça parle de surf. L'été est encore là.

 

Je me bouscule trop pour écrire ce matin. Prendre son temps. Regarder autour de soi.

 

 

Un oiseau

au loin

qui volette.

 

Le vent a l'air de souffler moins fort. C'est amusant de marcher en plein vent.

Faire de la moto doit être très agréable.

 

 


 

 

Le 2 septembre, 9 h 8

 

 

Serviette négligemment posée.

Nonchalance ou recherche ?

 

 

 

Peut-être courrier en rentrant.

 

Hier au soir, dans le lit, drôle d'impression.

 

Le sifflotement des beaux jours d'été.

 

Dans mon lit, je me tourne de mon côté.

 

Musique douce à mes oreilles.

 

 


 

 

Le 3 septembre

 

A Marseille, l'automne arrive très vite. Fini la mer, septembre est là.

 

Le chemin est bien balayé.

 

Cette nuit, cauchemar vite passé.

 

Bon, un homme passe et dit bonjour.

 

Le geste d'un torero ou d'un pêcheur au filet, quelle beauté!

Il y a des gestes qui sont beaux, plus que certaines danses.

Bien que j'aime beaucoup la danse.

 

Entendre les jeux de boules.

Les boules claquer.

 

 

 

J'en ai assez de ce temps brumeux.

J'aime la neige.

Au moins c'est joli.

 

A Marseille il a déjà neigé.

 

 


 

 

Le 4 septembre

 

 

Les tables sont propres dans ce bar.

 

Des oiseaux, dans une haie, qui s'envolent.

 

Il fait bon quand on est un peu couvert.

 

Je ne me rappelle plus de mes rêves.

 

 


 

 

Après-midi

 

 

Tant qu'on a la santé, de quoi manger, habiter, se vêtir, on est heureux.

 

J'ai mis une petite veste pour être bien partout.

 

J'ai trouvé du parfum, je m'en suis mis.

 

Le bar est presque vide, quelle chance!

 

J'attends encore un moment seule. C'est bien.

 

Je n'aime pas trop être indiscrète.

 

Les gens disent n'importe quoi.

 

Ce qui me calme, c'est de marcher.

 

Je n'ai aucun soucis à me faire pour le moment.

 

Il fait un temps de saison. Déjà le quatre.

 

 


 

 

4

Les gens

 

Le 5 septembre

 

 

Quel plaisir de m'être baignée aujourd'hui.

Moments heureux de grande intensité.

 

Discussion intéressante ce matin. Impression vive de vivre.

 

Je suis seule au bar de la Vieille-Charité.

C'est bien rangé.

 

Je ne tiens pas à m'étendre sur mes souvenirs. Plutôt envie de croquer la vie.

 

Les espaces publics calmes, c'est ce qui me convient le mieux.

 

Aujourd'hui bonne baignade.

L'eau était fraîche, mais quel plaisir de nager.

 

Quoiqu'on fasse, c'est le plaisir qui compte.

 

Etre à mon aise parmi les autres

sans rien attendre

de particulier.

 

J'aime me trouver dans des endroits sociables où j'ai une place, même voilée.

 

Trouver les mots justes pour dire combien je peux aimer la vie.

 

J'ai toujours écrit lentement. C'est mon rythme.

 

Se quitter, puis se dire « coucou c'est moi ».

 

 

 

Jusqu'à maintenant, le bar était calme, et c'est cela qui me plaisait. Mais toujours arrivent des gens qui se font remarquer. On aimerait leur dire de parler plus doucement.

Des femmes se sont assises, et font tout pour attirer l'attention. Enervement.

 

On se demande pourquoi tout cet apparat, tout cet attirail, pour qui, pour quoi ? Est-ce leur idée de la séduction ?

Puis quand leur voix se fait plus calme, on est contente.

 

Ou, simplement, ce sont de bonnes copines qui en oublient qu'elles sont dans un lieu public.

Elles se laissent aller à la conversation comme si elles étaient seules dans leur salon.

 

Se redire bonjour quand on s'est quitté un moment, avec une bise, c'est plus sympathique.

 

Dans le sud on fait beaucoup de gestes quand on parle.

J'aime beaucoup.

 

La conversation s'est faite murmure. Plus légère.

 

Comme une détente.

Quelques éclats de rires ponctuent.

Bien être.

 

La serveuse nettoie tables et chaises avec grand soin.

Le bar ferme. Elle me permet de rester à ma table.

 

Pourtant si tôt encore, et c'était si bon ce doux soleil.

Le voici voilé par des nuages. Puis il ressort comme si de rien n'était.

 

L'eau froide qui recouvrait mon corps. Et je nageais heureuse de cette sensation.

 

Elle avait écrit sur son cahier : « le désespoir ne sert à rien ». Cela m'avait fait chaud au coeur.

 

N'était-ce pas cela la suite de cette conversation du matin ? N'était-ce pas cela aussi qu'il fallait en tirer ? Qui m'avait mise à mon aise ?

 

Faire passer cela dans une écriture.

Mais comment s'y prendre ?

 

 

Je veux souvent lui faire plaisir, sans toujours savoir comment m'y prendre.

 

Etre à l'aise même dans un milieu qui n'est pas le sien.

 

Le soleil ressort. Gaieté.

 

Les gens vont et viennent dans les différents coins, sous les arcades.

Aucun visage connus : visiteurs du musée.

A petits pas ils vont et viennent dans les allées.

 

 


 

 

Le 6 septembre

 

 

Il me faut ma dose d'esprit, sinon je dépéris.

 

C'est lui qui me satisfait le plus sur ce plan aussi.

 

Dans le bar, les habitudes se prennent, maintenant on me sert mon café sans que je le demande.

 

J'aime me promener en bus. Surtout dans les neufs où il y a une meilleure suspension.

 

« Imposez-vous », me dit l'homme au magasin pour que je passe avant lui.

 

Longue discussion, hier soir sur le pas de porte, tout en prenant le frais.

 

J'aime entendre les voix, des graves, des plus aiguës, certaines chantantes.

 

Du pain tendre,

de bon matin,

comme petit déjeuner.

 

J'aime entendre des expressions locales.

Richesse du vocabulaire.

 

 

Se lever de bon matin, l'esprit vif, l'âme légère.

 

J'aime le génie du bricolage.

Des trucs trouvés, pour construire.

 

J'aime les petites boîtes qui contiennent un tout. Comme les petites boîtes à coudre ou à peindre.

 

Les dessins populaires sur les vitres, comme au moment des fêtes de fin d'année.

 

J'admire les gens qui se sentent chez eux où qu'ils soient. J'aime les moeurs de la région. On dit « à la bonne franquette ».

Idée géniale qu'il faut au moins deux langues pour bien savoir en parler une. Quand on n'en connaît qu'une, on a tendance à inventer un jargon.

 

L'espace des bars : le comptoir où l'on discute, la grande salle, et le petit coin banquette où l'on se blottit.

 

 


 

 

Le 9 septembre

 

 

Avec les travaux, on se croirait à la campagne quand on taille les arbres.

 

Les gens. Qu'est-ce que ça veut dire les gens ? Rien.

 

J'aime les petites boîtes qui contiennent un tout. Comme les petites boîtes de couture ou d'aquarelle.

 

 


 

 

© 1997 - 2004, Francine Laugier
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