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L'HEURE DE LA TABLE


Dressée comme un arbre que l'on plante, ma volonté d'être femme au diapason avec ta voix : entraide, éthique, intelligence. Que ce soit toi mon homme qui aies la dernière donne. Pauvre soldat, tu fuis comme tu peux pour résister à la torture. Que Dieu veille sur toi, moi qui ai eu tant de mal à l'apprendre. Qu'il veille sur moi qui reste agnostique : ma prière s'est envolée dans le vide de la nuit. La frustration est une peine aussi, j'ai trouvé l'espace et je boite. Dieu a été là pour moi aussi, je l'avais oublié, égoïste dans mon plaisir. Comme un petit animal qui cherche à aimer, j'implore mes amis de me rester fidèles, je suis ma route que je veux parsemée de fleurs.


Assez de souffrances ! Ne payons-nous pas le prix de la mort, comme des bœufs qui poussent la charrue, n'étions-nous pas faits pour d'autres récoltes ? mais on ne coupe plus le blé à la faux.

La manie que j'ai de regarder l'heure, comme quand sonne l'angélus dans les champs. L'heure, l'heure de la table où tu te fais servir de retour à la maison ; les premiers hommes aussi se retrouvaient autour du feu. Les piles du poste sont mortes, pas de chansonnettes ce soir. J'attendrai avec toi les infos de la nuit pour que reprenne vie notre maison commune. Se cachera-t-elle encore derrière son col relevé ? Elle voulait ainsi m'encourager à ta fidélité : dis, depuis quand m'aimes-tu ? Dis, depuis quand, t'ai-je demandé si souvent, à la saison où les matins rallongent.


C'est un diable qui me pousse à la première cicatrice, mais il n'aura pas le dessus. Je me veux dans la foule, je me veux l'aimer. Toujours on crée le monde, toujours penché sur son papier. J'ai du mal à être calme quand dans l'insomnie je pense au passé où un sillon de lumière me guidait. Comme la fatigue alors était bouillonnante, piquante et folie pure. Pourvu que tienne mon courage, j'arriverai toujours à nos rêves, qu'ils se réalisent comme dans l'échange premier, quand j'avais compris que je faisais ce que je pensais. Le passé lointain est présent et je dois encore le mettre en lumière, mais pas profondément, pour qu'il puisse encore servir. Quant au présent il servira de modèle, m'accompagnera dans la transition comme pour assurer ce qui est acquis.


C'est une espèce d'ange gardien qui veille sur mon pays imaginaire. On aimerait ne pas se souvenir, mais à chaque fois que je prends le stylo-plume une vague étranglant mon flux empoisonne le plaisir à écrire. Il devient encourageant comme un moteur qui vrombit, me laissant plancher, j'accepte d'être seule à écouter cette voix plus claire. Les mots ne vivent pas par eux-mêmes. Ils ont besoin d'une distance, d'un temps que l'écrivain mesure. Ardente et passionnée, l'espace des phonèmes s'ouvre alors à moi, pour parler du monde qui m'entoure.


La foule à éclairé ma journée : chez les marchands j'ai trouvé ce que je recherchais, et j'ai même acheté une fleur tenace pour la cuisine. J'ose mes pas pour comprendre. Veilles-tu pour que la rêverie de l'amie devienne justement fausse, comme de la femme la plus nerveuse tu puisses être jalouse, comme de l'amie tu puisses prendre la couleur rose-saumon, presque violette ; sinon tu porteras les bas de l'orpheline : j'irai réchauffer mon cœur à ses tendres paroles.


Les plaintes étaient légèrement cachées, elles étaient languissantes et fragiles, comme le duvet d'un oiseaux dont seule une plume, gisant là, sur le carrelage : il vaut mieux rajouter, comme le veut la coutume, l'assiette de l'étranger pour cette fête de Noël. Nous comptons la part de nos rêves qui construisent notre réalité. Un fond de caractère déjà tissé, je pars à l'aventure, rassurée dans mon jardin secret, que je partage avec toi par moment, par moment.


J'ai peur d'être celle que tu voulais connaître. Méli-mélo, à qui la faute ? Au drame ou aux bras croisés ? Est-ce ma faute à moi, si je mélange les mots pour en faire une langue, langue volée à l'homme que je remercie, langue naturelle, qui m'a apporté de la douceur. Je parle aussi ma langue maternelle qui me ramène à une autre réalité.


Francine Laugier, janvier 2012







 

© hiver 2012, Francine Laugier
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