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Le marchand de jujubes



I


— Demain la rentrée scolaire.

Ne pas oublier de remonter le réveil pour aller voir pleurer les enfants.

II


— Trouver une voie juste entre l'entêtement et la résignation, avait-elle dit.


— Elle se demandait pourquoi les chats ne parlaient pas ; si c'était par manque d'intelligence ou par paresse.


— La vérité est dure, mais a une certaine douceur, un peu comme les mères paysannes.

III


— Dans sa tête l'image d'un chat qui saute des genoux de quelqu'un et passe sous un meuble.

Elle lui reproche d'avoir voulu faire un couple, de lui parler d'amour quand elle affirme camaraderie. Il lui répond : « Souvent je t'aime par amitié ».

Peut-être était-ce la plus folle déclaration qu'elle ait entendu.


— Sa vie intérieure

Un Ali Baba qui a perdu le mot de passe.

IV


— Comme une balle

Que le chien mordille

Nerveusement.


— Elle lui faisait remarquer combien l'homme aime à se bercer. Si la musque n'était là que pour accompagner le geste ? Si la musique n'était rien sans le geste ?

Il ajouta : « même le geste élémentaire de tailler et de frotter un outil serait bercement ».

Elle se rendit compte qu'elle écoutait claquer leurs talons en marchant.


— Il faut mettre son cœur là où on met des actes.

Gourmandes, les vagues croquent la falaise.

V


— On ne lui dira donc

plus jamais

« n'oublie pas ta veste il fait froid ».

VI


— Le marchand de jujubes passait de bar en bar de table en table. Ils parlaient encore des fresques.

Tout est entraîné dans la masse des corps en des mouvements centrifuges, cornes et membres sont à peine signifiés.

« Quelle force, mais combien je me sens loin de cet art », conclut-il.

Elle fut étonnée. Lui qui d'habitude ne se sentait jamais étranger. Cela confirma son impression que ces grottes avaient été peintes par des femmes.


— L'aridité du tout posé

Le café bu

La cigarette qui fume.

VII


— Les jambes nues

Ce jour là

Elle ne savait pas l'heure.


— Elle était allée tard chez elle sans l'avertir.

Quand elle eut fini son long monologue, devant son visage doux et silencieux, elle avait dit : « je m'étouffe moi-même ».

Elle précipita son départ.

Dans la voiture, en rentrant, elle se sentait hostile envers son ami. Ce n'était rien.

« La parole est générosité folle » se dit-elle. Mais sa phrase lui sembla en deçà de sa pensée.


— L'abeille sur le verre de rosé

Pourtant

Quelle foule dans la ville.

VIII


— « ...Ces regards si fiers et à la fois si affolés ».

Quand elle lui dit ces émotions là, elle pleure.

Elle pleure par coquetterie. Comme de la force des autres elle en fait sa coquetterie.

Elle aime jouer le vacillement entre l'attachement et le détachement.

D'un même mouvement son corps, sa tête se penchent en arrière et ses mains lissent et renvoient ses cheveux.

« Alors maudit signifie mal-dit disais-tu ? »


— Rires frais

Bruits de glaçons

Au bar de la plage.

Il pensait, point de modèle, sa main vive retira sa casquette.

Et les voix qui monologue, le sommeil ne s'efface donc jamais ?

IX


— Rêver l'autre, lit trop moelleux où la réalité s'enfouit.

Elle ne pense pas fort

Galope, galope l'imaginaire.


— À Molines, elle avait connu un berger qui collectionnait les pierres, ce qui faisait dire à la cuisinière : « Il faut comprendre, depuis que sa femme est morte c'est un homme seul, il faut bien qu'il trouve satisfaction à la vie ». Il faisait croire aux touristes qu'il connaissait le nom de tous ses moutons. Il les appelait devant eux. Ils étaient contents. Lui aussi. Tout le monde était content.


— Elle relevait sa jupe pour accueillir les premiers rayons du soleil.

Farouche, comme deux regards qui se croisent.

X


— Elle perdait ses idées. Elle avait toujours peur d'oublier quelque chose. Quel souci !

Les nuages comme des fantômes.

( saveur exotique)


— Respiration lente. Lentement

brûle la bougie.

Sculpture baroque de la cire.






 

© Été 1986, Francine Laugier
Paru dans Banana Split Numéro 18, juillet - août - sept - oct - nov 1986
© Automne 2011, Francine Laugier
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