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L'ombre

 







 

 

 

Impression que j'agis sur le monde, le matin, entre l'éveil et le sommeil. En même temps comme si j'étais manipulée par l'esprit universel. Je résiste et il gagne. C'est d'une souffrance, et cette blessure me réveille tout de bon. Je reste sur cette ambiance vague de lutte qui me serre la gorge, et affaiblit mon âme. Si je gagnais ce combat qu'adviendrait-il ? Quel serait alors mon destin ? Je veux acquérir cette victoire, mais peut-être devrais-je me demander ce que signifie exactement cet affrontement.

 

 

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Y voir, discerner la réalité sur laquelle est tombé un voile. Les termes des autres toujours trop près, mes mots que je dois vêtir ! L'absence me domine, affronter la substance serait mon succès, serait vivre. Que la providence, que la vie me jette un bon sort. Mais d'abord, le matin, entre l'éveil et le sommeil, il faut que je sème la lucidité, pour que règne mon triomphe sur la fiction.

 

 

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Je me suis réveillée tôt, déjà le soleil frappait le rebord de la fenêtre. L'éclat du ciel et ma vacuité, quel bonheur !

Ma sensibilité touchée par ces secondes persistantes. Pour une fois le vide du ciel allié à mon zèle. Dans ce mystère : la détente, je rayonnais.

Je suis restée là, paisible. Puis lentement j'ai déjeuné de deux petits pains italiens.

 

 

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Ce matin je me suis réveillée pleine d'entrain. Sitôt sautée du lit j'étais bouillonnante. J'ai mis un disque de Barbara et avec vivacité j'accomplissais des pas de danse. Tu t'es levé, et on a déjeuné ensemble de brousse et de pain complet.

Puis en allant au bar, sur le chemin, tout en bavardant sur la gnose, on cherchait l'ombre. L'odeur forte des haies de lauriers, et le petit chat errant tout squelettique.

Rien dans la matinée n'a enlevé mon ardeur.

 

 

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C'est toujours aussi dur le matin, je me débats pour tomber dans la conscience. Je suis sous l'emprise du désir universel, et face à cette âme j'ai l'impression de ne compter pour rien. Il faut que je me dégage pour retrouver mon intégrité. Mais dès que le demi-sommeil est repoussé, je me retrouve dans une prostration avec l'impression d'avoir lutté pendant longtemps. Mon sentiment alors est d'une lourde défaite, et la réalité, je ne l'ai acquise que dans ma retraite. La guerre perdue, dans mon recul, je cède, je me retire. Je me retrouve dans ce repli les nerfs à fleur de peau. Je suis alors envers toi d'une humeur qui frôle la colère.

 

 

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Je viendrai bien à bout de ce nœud serré. Je plongerai alors dans la réalité, purifiée de ces scories nocturnes. Je gagnerai sur ce qui me coupe en deux comme la lumière une vitre. Je vaincrai, et loin de la contrainte de la lutte, je rentrerai dans l'éveil. D'un coup s'évanouira ce combat hors du temps, et c'est paisible, loin de l'effort, avec la souplesse d'une rivière, que je commencerai ma journée. Je me retrouverai parfumée par la brise du matin. C'est d'un oeil nouveau, c'est d'un bonjour frais et léger, que je t'accueillerai.

 

 

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Le combat est fini le matin. Je retrouve la mollesse, et je m'agace. Par instant quelques étincelles de bonheur. Mais c'est souvent accablant. La lourdeur m'accompagne et l'énergie s'absente. Je tarde et pendant que je vagabonde le temps s'éternise. Cela dure, j'erre le matin. J'aimerais une autre naissance, j'aimerais un autre courage, une autre prise sur la journée qui s'annonce.

Au lieu de cela la crainte et le désarroi m'affectent. Désœuvrée je ne cisèle rien.

 

 

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Août 2004

Fancine Laugier

 





© août 2004, Francine Laugier
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