Francine Laugier - Terre, terre


L’entraide

Une pie s’est mise à voler si haut que me suis demandé si c’était pour un rayon d’or. Le soleil si généreux éclairait la colline. Mes yeux éblouis voyaient se dérouler un tapis rouge. L’illusion s’arrêta vite, quand devant mes pas tomba l’ombre des maussades nuages. La nature sait nous ramener à notre humble condition, et même si nous la sentons à portée de main, nous nous voyons mal, de colère, battre un nuage !


Un corps parfait est un corps dans lequel on est bien. Encore des heures sans cri, où l’on effeuille ses pensées, goût de rose, les pétales de blé crissent sous mes dents. Écrire me ravit. Manches retroussées, savoir jouer ensemble, tel est l’enjeu de la liberté. Et tout être est libre.


C’est une femme à visage d’ange, qui m’a démontré que j’avais tort de m’abandonner autant à la rumeur passée. Elle m’a aidée à dresser mon échine en ce temps où de gros nuages lourds barraient l’horizon. Ils enlevaient le rythme de la nuit et du jour. Plus rien n’ondulait. L’histoire comme suspendue, faisait froid dans le dos, comme ces soldats à qui l’on demande de prendre un air terrible pour effrayer l’ennemi.


À la porte de ta sagesse je me suis assise en tailleur. C’est ainsi que j’ai compris tes images pleines de force, de recettes pour saisir la vie, et avancer vers un futur qui nous appartient. Ensemble nous voyons l’aurore, la rosée déposée embellit notre expérience de mille dons sauvages, droits, sculptés à même le roc de tes bras. Tes outils, sont ceux d’une avant-garde technique. Tu œuvres, comme d’autres détruisent, avec du courage au cœur.


La terre s’est tue. Les humains se taisent en ayant un semblant de quotidien, moi j’essaie de garder ma plume. Un fort mistral parle aux plus humbles. Il leur parle de cette terre aride qu’il balaie, de la garrigue qui retrouve ses senteurs, de cette dame qui attend sa chance de communier. Habitée par le vent, elle lance son appel à qui saura capturer ce bonheur, là, tout près de chacun, qui murmure à chaque oreille, qui montre à chaque œil. La terre garde son souffle. S’est éloignée, la terreur de la guerre, le bonheur peut se partager, le blé se récolter à nouveau sous le soleil.


Bonds et rebonds des rayons de soleil sur les branches. Je jure que pour moi c’est un renouveau. Oui, le soleil saute de branche en branche. Les arbres souples plient avec nonchalance, les habits dansent sur l’étendage, encore quelques petits frissons pour ceux qui, comme moi, ont affronté l’hiver ; nous mangeons du bœuf, pour nous redonner des forces. Je ne suis pas comme certains qui veulent se perdre dans le labyrinthe sans fin de la vengeance personnelle.


Je suis la « vieille-jeune », je passe du courage viril à la féminité la plus exacerbée. Parfois tous les enfants du monde sont les miens, parfois je me retrouve la simple compagne de mon homme. À part lui, personne ne peut comprendre ce dilemme. Aucune amie ne comble ce vertige. J’aime leur force de survie qui me les rendent agréables, aussi, fortes dans les premiers temps de leur maternité. Moi qui n’ait pas d’enfant, j’ai eu une petite chatte et des chats qui m’ont fait comprendre ce que c’est que d’avoir un petit enfant. Aussi je ne trouve rien de plus beau qu’une jeune maman avec son nourrisson.


La nuit aussi à son mot à dire, chacun a les chances qu’il a, comme nous ne choisissons pas pour qui nous avons de la peine à la mort. Camarade, comme on dit camarade quand on est enfant. Le prix de la vie, je l’ai payé très cher ; je suis remontée jusqu’à la racine de la vie, jusqu’à l’effondrement, jusqu’à ne plus reconnaître les amis, jusqu’à ne choisir que l’amour. Le pur de la terre et du ciel comme seul marquage de l’espace. Oui mère, j’ai de la chance en amour.


Redresse ta tête, me dit le ton de la voix et l’allure d’Annick. Tu es ici chez toi, me dit-elle encore au téléphone. Comme du lait et des céréales, je dois dire que cela m’a tenu chaud au ventre. Quand tout me courbait, quand tout ne me faisait voir que le sol, je dois dire qu’Annick fût une véritable sœur. Dépassant entre nous toute rivalité, nous rapprochant face au mal, elle a cheminé à mes côtés dans ces jours si noirs.


La générosité primordiale entre les peuples une fois retrouvée, enterrera les hurlements des corps ; le ballet des âmes meurtries finira. La paix comme une fée, harmonisera ma passion et mes plaisirs journaliers. Ce qui s’acquiert, s’acquiert définitivement, que l’on parle enfin de ceux qui jour après jour bâtissent la fraternité. La roue tourne pour la fierté d’être soi et bien chez soi. La taille de mes habits je l’ai trouvée, harassements après harassements.





Francine Laugier, mars 2015.




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© Francine Laugier, mars 2015.
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