Francine Laugier - Terre, terre


L’enfant était un ange

Il me faut beaucoup d’intuition, oui intuitionner le hasard objectif. Démasquer le doute. Heureusement toutes les cloches ne vont pas à Rome. Le partage est chose agréable, d’une jouissance sans égale. D’un passage à l’autre, d’un pont à l’autre, je retiendrai ton amour, et tu m’enlaceras.

Laisser venir, laisser faire le hasard objectif, comme le soleil après la nuit, éclaire d’un jour nouveau l’homme et son ombre en plein midi.

Sens la vie qui te taquine, pour que ne cesse jamais l’amour que tu lui portes. Quand la foule crie, tu restes dans le silence, laissant le hasard objectif ouvrir ta porte sur un jardin où pousse la mauvaise herbe parmi les roses.


Pas assez d’attention pour lire. Je ne regrette pas « ma naïveté », pourvu que l’esprit me tienne. Tenir en respect les serpents, leurs faire cracher leur venin avec de la musique. Ni pitié, ni haine, la tête sur les épaules continuer sa route. Dans les broussailles une coccinelle vole.


Chacun sa cuisine, chacun son art. Pour répondre à quel appel te tiens-tu éveillée ? Tu as fait signe, tu es bien obligée de répondre. Maintenant tu trouves ta force : la lune, un œuf poché. Que la communauté qui se tient debout, annonce une langue classique et claire ; beaucoup de ses amis se faufilent comme courant d’air froissé.


Chérir les siens est une chose des plus précieuses. Tant d’année pour faire un homme ! Pour choisir le bien, bien sûr. Derniers frissons : je n’ai qu’un amour. Lui seul ne m’a pas trahie, lui seul fut à mes côtés pour m’appuyer dans ce qu’il y a de plus noble en moi. Lui seul a tenu bon ses valeurs, dans cette Europe où tout n’est que décadence, et viol de la pureté. Ce soir je retrouve Marseille avec son mistral. Souffle l’esprit de la terre, se construisent les civilisations. L’humain est si jeune dans l’horloge du temps.


Je ne suis pas déçue si ma vie c’est travailler le signe écrit. Qu’ils vivent les mots sous ma plume, ces joyaux vivants ! Qu’ils guident ma voie jusqu’en Chine. Toujours ils me donneront faim, la satiété de l’esprit, heureuse comme les premiers scribes. J’y parlerai de mon expérience, je jouerai l’amour et la camaraderie jusqu’au sublime. Mais ils ne me feront pas oublier ce pauvre corps, qui ce soir, par un si peu d’afflux de gaz dans la chaudière, a froid. Je veux encore vivre pour chanter la terre, notre planète bleue.


La vie c’est du vol de temps. Les papillons sont rapides mais vivent peu. Harmonie et non-harmonie, telle est notre existence à tous. Ma chère Monique, Chronos nous mange bien avant notre mort. Le ciel se dégage de cette grisaille qui l’emprisonnait depuis quelques jours.

Laisse faire, laisse travailler le bien en nous. Bien sûr nous ne pouvons être cette image du singe chinois qui obstrue ses yeux, ses oreilles, et sa bouche. Bien obligés de voir en face ce qui est discordant dans la musique de l’humanité. Essayons de faire mieux avec ce qu’il nous reste à vivre.


L’enfant était un ange, nous avions de la gratitude pour sa mère. Il nous priait de la voir belle, et belle était sa mère : belle était sa voix, son sourire et son corps souple. Il criait et nous restions calmes comme deux adolescents qui trouvent normal la beauté du monde. Flottait ce cri d’enfant, dont nous n’avons jamais vu le visage. Descendaient en nous le pressentiment du nouveau bien-être de la mère. Nous pressentions leur bonheur futur.


Dans les trous du temps nous y tombons à cause de la disharmonie entre nous tous. Nous nous faisons tant avaler des couleuvres, ou de petits mensonges. L’humain, même le plus saint, n’est pas parfait. Parfois la méchanceté, parfois le soin. Mais aussi, parfois le mal ; cela coûte cher à la communauté.


Dans la nuit l’Italie se dénude pour mieux me faire comprendre comment tant de pogroms et tant de traîtres. Italie, ma belle dame, je te comprends et je te serre dans mes bras maternels, comme tu appréhendes la vie, ici, en France. Ton rêve est juste, ne te trompe pas de porte, frappe dans celle de la communauté.

Le carnet de courses, les bûcherons, et nous « les petits blancs » pauvres. Marseille ma ville d’Italiens, Marseille qui chante « quand il y a de l’amour et du vin ». C’est la vie qui pleure et qui rit. Et alors ? Alors le peuple gronde, celui qui veut sa place sous les palmeraies, les parasols fleuris.


La lune amie m’a dit bonjour. Je n’ai pas eu besoin de l’attendre pour qu’elle pense à la terre. Sous un nuage elle était blottie. La voici pleine, Artémis et Séléné la dirigeaient, merci dieux de la terre, et bonjour à toi ô lune céleste. La course dans le ciel est fulgurante, elle écrit l’histoire des planètes : elles roulent toutes à leur vitesse. Bonheur, malheur, « que la force soit avec toi ». Prospérité sur la terre, terreur à ceux qui veulent maudire.

Je remercie la terre et tout ce qui la compose, ainsi que la lune son amie.





Le 13 décembre 2014, Francine Laugier




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© Francine Laugier, le 13 décembre 2014.
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