Francine Laugier - Terre, terre


Mon âme, ce soir je t’entends

« Écoute mon ami, écoute la réponse dans le vent ». Ça surprend ! Il parle à tout ce qui veut entendre la bonne nouvelle :la joie est là, pour qui sait saisir le tour de la propriété de la terre. Comme sa respiration le vent souffle en rafales. Vent d’ouest, qui dégringole, surprend les arbres qui plient. Demain peut-être soufflera-t-il encore, il décoiffera, et emportera les chapeaux. Peut-être auront nous froid ?


Dessiner le vent, comme une jeune pousse d’herbe qui le subit.

Dessiner le vent, sur la mer qui remue. Puis aller vers la colline, pour entendre gémir ou jouir les arbres. De là voir les nuages défiler à toute vitesse, comme s’ils étaient poursuivis par des brigands. L’écharpe tient chaud à mon cou, mes joues fraîchies comme le baiser froid de l’hiver. Déjà Noël !


Comme la sève irrigue l’arbre, les canaux d’eau irriguent la terre, desséchée par tant de pesticides. Les après-midi d’été, s’y baignent les jeunes-gens, les casse-cou plongent en aspergeant les autres. Serviettes de bain au cou, filles et garçons remontent le chemin. Ils ne connaissent pas de freins à leur vigueur. Chahutant comme de jeunes tigres, pour qui le temps des amours est raffiné, et plein d’esquives.


Être sain parmi une foule d’êtres guidés par leurs plus bas instincts, jouant la terre brûlée. Être une personne saine parmi ces monstres virulents, qui tendent à la mort, no future disent-ils en langue étrangère. Vouloir rester sain parmi ces morts-vivants, sans moyen aucun que « son souffle » purificateur, comme papillon se purifie avec ses couleurs flamboyantes. Être sain parmi leurs insanités qui traînent sur leurs chaînes de radio, de télévision ; ces pouilleux qui ont tenté de s’insinuer sur l’internet, sans grand succès, car la science à besoin de certitudes. Être sain avec certitudes.


Mon âme, maintenant que mon corps se repose, revient. Parle- moi tout bas, comme dans les moments difficiles tu as su le faire, et faire jaillir mon esprit. J’ai besoin de sentir la compassion, de rire et de pleurer, mais surtout de me sentir en paix. Je ne veux plus t’abandonner sur le bord du chemin, je veux que tu sois la gardienne de ce que je suis. Ce que je suis est comme un « bonjour » à l’homme triste, comme un baiser à l’enfant qui pleure, un enlacement avec mon tendre compagnon, une marque d’affection à l’amie chère. Mon âme, ce soir je t’entends !


Tu fais semblant de te rendre indispensable, tu joues le chaud et le froid, tu en deviens ogresse de possessivité. Toute cette énergie que tu déploies occupe ton esprit, pendant ce temps le monde tourne.

Ce qui compte pour toi, c’est qu’on soit là, à tes bottes, qui prennent l’eau de tant de sueurs possessives. Je découvre ton jeu scabreux, et je m’interroge : quel gain peux-tu y gagner ? Car même quand tu es sincère ce n’est que pour des caresses, alors que tant d’œuvres à partager restent à faire.


Le vin, ce soir, à le goût d’amandes douces. Il est excellent, le drap sèche sur le fil, doux murmure du frigo. Qu’elle belle soirée ! La vaisselle s’égoutte. Vraiment ce bon vin à un arrière goût d’amandes amères. Légèrement, très léger comme l’air, le corps ivre. Les neurones dénoués accentuent le zazen provençal, terreau de centenaires, et d’ouvriers qui sifflent des airs populaires. Le temps s’étiole dans le plaisir, bien dans l’instant !


Chercher en commun, comme c’est agréable ! Nous pouvons chercher le poème le plus près de l’oralité, celui que l’on murmure en écrivant ; celui qui dépassant le témoignage atteint le juste et le lointain. Certains jouent pour la beauté de l’objet physique ou spirituel. Mais chercher ensemble, quel plaisir ! Cela demande une confiance, une certaine audace de penser. Nous nous sentons liés par le destin, la langue liant la communauté. Nous savons à l’avance, que dans des générations, certains se demanderont ce que nous avons pu vivre ensemble. Si peu et beaucoup... Pour le pire et le meilleur.


L’écriture automatique, jets de paroles vivantes, qui se tournent et se retournent jusqu’au mot PAIX, qui revient à dire « pas de folie ». La guerre est un si lourd fardeau. Voici que le surréalisme passe des mots automatiques, aux mots de la prose, du roman. Un écrivain était « un paysan à Paris », un autre attendait la pluie, Breton vivait l’amour fou ; mais tous ces poètes jouaient pour la paix de la terre.


Entre deux eaux glacées, truite, tu es libre. Tu n’as pas peur d’aller à contre-courant, cela te fait tendre et musclée. Claire, comme l’eau verte des rivières où tu nages, tu as appris à te méfier des appâts, brillants comme des bijoux, que les hommes te lancent. Tes ondulations les trompent, et les cailloux sous leurs pieds les blessent. Tu sais te faufiler, réapparaître, disparaître, à leurs tristes cruautés. Ce sont les tiens qui t’ont appris à éviter les pièges mortels, à ton tour d’apprendre à ta descendance comment les éviter.

Entre deux eaux glacées, truite, tu es libre. J’aime comme toi ta force, ta liberté, ton intelligence et ton courage.


Le destin est si lourd pour chacun ! Puis on s’en accommode, cela devient sa voie. Je ne veux pas être quelqu’un d’abject, je me vois faire ma petite part dans l’humanité. Bien sûr les chagrins, les déceptions, font partie du lot de la vie, comme le bonheur du bien faire, la joie, les plaisirs à boire un verre de rosé, à promener, et tant d’autres choses.

Pourvu que force et sagesse ne me quittent jamais !





Francine Laugier. Fin décembre 2014.




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© Francine Laugier, décembre 2014.
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