Francine Laugier - Terre, terre


Tendre un piège à l’amour

De l’insondable humanité, je saurais encore t’entendre ; tirer les marrons du feu, conduire parmi les sages. Amis vous montrez votre vrai visage, les ans sont passés et ont poli le miroir de ma conscience. Je circule comme les premiers pionniers parmi l’ondulante foule, où l’on m’attend devant les présentoirs garnis de bric-à-brac. Se sentir chez soi, être habitée par la plus chère bonté ; être attentive, avoir de l’attention.

L’encre : sur son tracé coulent les souvenirs. Eux me libèrent du combat passé. Faire corps avec tout le reste ; espace ma chair, temps mon sang.


Les sables mouvants enfonçaient mes pas. Mais aujourd’hui d’une démarche d’urbaine, à tes côtés, heureuse d’aller et de venir, je n’ai plus mal aux pieds. Dans les villes je me sens chez moi, ruelles ou foule des boulevards, je vais d’un pas assuré. Ces marches enlèvent l’insomnie, elles rendent légères mes peines passagères.


Déjà la voix se fait plus lointaine, elle me quitte, la mort s’endort. Mes rêves ressemblent à des rêves. Éveillée comme peuvent l’être les émotions que me procure ma praxis. Je me suis rappelé ceux de l’homme, j’écoute ses conseils. L’un est mort, l’autre vivant ; J’aime trop la vie pour ne pas entendre l’ample légèreté de mon âme.


La gratuité de la vie comme est gratuit l’amour de la sagesse. Pataude la vie, elle s’excuse de ne pas être assez belle, de ne plus avoir vingt ans. C’est alors qu’elle devient fine, c’est alors qu’elle a le temps d’aimer plus que sa vie. Au bout de la nuit, le petit matin où nous dormons corps emmêlés, l’esprit d’une douceur ferme, rêve. J’ose dire ma vie tu vaux la certitude de tes rêves les plus fous, les plus subtils.


La voix de la radio qui dévide ses insanités. Dans le silence, dans l’attente, je vois arriver les funestes nuages. Nous n’entendons pas nos morts, nous les pleurons. Nul ne sait ce qu’il advint après la vie. Je choisis de vivre, que la paix de mon âme et de mon esprit soit avec moi.

Tirer le fil du pourquoi ? Tendre un piège à l’amour pour qu’il reste sur notre planète bleue. Poursuivre et commencer dans la ligne de fuite de l’espace, et l’énergie du temps. Le temps qui roule sous mes actions et ma quiétude.


L’incertaine voix, je me suis trop bercée pour être dans les nuages. Mes amis se montrent nombreux et bienveillants ; j’ai pourtant si peu d’amis ! Comme il est fatiguant de se vouloir non-humaine, comme il est précieux le sang de nos ancêtres. Avec l’âge la grâce du cœur et de l’esprit, vêtir son corps avec délicatesse ; délassement.

Avec toi, toujours avec toi, pour le rire, les impatiences des heures, quand du froid de l’âme, après un deuil, je m’enlacerais à toi ; puis nous nous embrasserons comme des adolescents, oubliant l’heure.


Nos boucliers posés, fatigués par tant de luttes, il m’en reste la quintessence. Il m’en restera l’essentiel d’elle, ma terre. Mon Majnoun, tant d’épreuves – comme au réveillon de Noël, pour que tu me sentes enfin à toi. Nous sommes peut-être un ensemble d’atomes, mais à quoi penses-tu, rêveur, quand sur le clavier les chiffres défilent ? Tu ne regrettes pas de m’avoir choisie moi et nos contemporains.


Oui, le corps est engagé. Les mauvaises pensées sont tombées comme des idoles, celles qui nous font attendre, tête froide. Quand ton ami choisit l’onde la plus courte, celle qui porte le moins loin, alors tu sais que ton ami te refuse ton adresse. Rien de bien méchant, ta sagesse corrige le tir. Parfois il y a de l’incompréhension et c’est qu’il te néglige ; laisse la précision au boomerang.


À l’aube, quand se sont posées les valises sur la terre battue, l’humanité regarde, avec pour tout bagage, la continuité de la terre cosmique, l’heure sur le cadran solaire, quand tout frémit, quand tout copule dans le signe, l’homme pressent sa continuité première. N’a-t-il pas tué le loup et abattu le mouton ? N’y a-t-il donc aucune promesse ? Le fils a des rêves fous de conquérant.

Taire sa peine, comme le chien que son maître abandonne.


Cloé, es-tu là ? Cloé, l’espoir s’éveille en moi ? N’aie pas peur, ce n’est que de la jeunesse qui use ses chaussures. Elle vend son âme aux démons pour une paire de chaussures à talon-haut. Elle en devient banale de rigidité. Elle sait parler aux humains, elle ne trompe personne. C’est une enfant de riche, comme sont pauvres ses souhaits de destructions ? La terre la digérera comme la victime la plus pardonnée. Ce n’est que de la jeunesse qui use ses souliers.


Le dernier sursaut de la bête, ce ne sera pas le dernier, elle est seulement sanguinolente. Sanguinolente elle se traînera comme la dernière traînée de poussière d’étoiles. Jamais abandonnée, non, d’autres bêtes la guettent pour s’abreuver de son sang. Humains nous avons tous goûté aux délices de la promesse, perdus nous attendons cœurs battants. Pauvre bête, pauvre planète, pauvres chiens battus.

Nous résisterons, de la survie de la bergerie nous passerons à la vie. « Humain, trop humain ». La guerre, la guerre, crie l’écho des nations.

Nord, Sud, Est, Ouest : tous prêts à se tuer, pour la liberté ?

Pour la liberté d’être le premier.


De l’insondable humanité, je suis une de ses élues, je danse sur ce rêve. Le réveil de l’homme, croît sur l’eau de l’océan, comme une frêle frégate. A-t-on compris le message d’Hermès, malgré le sceau, il s’ouvre comme un carnet blanc. Le temps a son espace : le calendrier des rendez-vous. Joue du pipeau Hermès, toi la mère tu seras toujours dans mon cœur serré. Comme une lampe me dirige dans la nuit, je dis : « Terre,Terre ». Mon cœur vit encore à la saveur du lait, les cheveux tirés en haute queue-de-cheval. Mes frères et sœurs partagent le festin d’une enfance ondulée.





Novembre 2014, Francine Laugier




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© Francine Laugier, novembre 2014.
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